Bruxelles – Dakar avec la Kawasaki Versys 1000 SE : Partie 4: au Lac Rose!

Depuis son départ de Bruxelles au guidon de la Kawasaki Versys 1000 SE, Thierry a déjà relevé pas mal de défis mais il n’est pas encore arrivé à Dakar. Dans l’épisode 3, nous l’avions laissé à Nouackchott, capitale de la Mauritanie. Et il lui restait encore 300 kilomètres pour atteindre la frontière du Sénégal. Avant de toucher au but ultime, le Lac Rose.

Texte : Thierry Sarasyn

Chaleur en Mauritanie

La Mauritanie n’est pas la destination de voyage la plus populaire pour de nombreuses raisons, mais pour ceux qui aiment le désert, c’est l’un des plus beaux pays au monde. Entre les villes de Nouadhibou et de Nouakchott, il n’y a rien. Sauf beaucoup de désert, une beauté naturelle exceptionnelle et beaucoup de chaleur. Il était bon de dormir dans un hôtel confortable après une journée épuisante, surtout à cause de la chaleur.

Tension à Nouakchott

Il n’y en a pas beaucoup en Mauritanie, mais l’hôtel Florida en fait partie. Construit avec les économies d’un Mauritanien qui a travaillé longtemps et durement aux États-Unis et qui veut maintenant réaliser son rêve ultime dans son propre pays : gérer son propre hôtel. On ne peut s’empêcher d’admirer cet homme. On se délecte de sa gentillesse et, surtout, de son amour pour un pays qu’il est difficile d’aimer. La Mauritanie est en effet un pays isolé. Ce n’est que depuis 2007 que l’esclavage y est officiellement aboli, mais il est clair qu’il y a encore entre quelques dizaines et quelques centaines de milliers d’esclaves. Ces Mauritaniens sont véritablement la propriété de leurs “maîtres”. Ils vivent et meurent dans des conditions déplorables. Peut-être les récentes élections changeront-elles la donne. Et justement, ces élections ont lieu précisément le jour où nous voulons partir de Nouakchott vers le Sénégal. Le propriétaire de l’hôtel nous incites à partir le plus tôt possible. Car « il est certain qu’avec les élections, il y aura aussi des émeutes. Et vous n’aurez sans doute pas envie d’être là ». Un conseil en or. J’ai donc enfourché la Kawasaki Versys 1000 SE avant l’aube, et nous avons quitté Nouakchott avant que les marionnettes ne commencent à y danser.

Des douaniers corrompus

La première fois que j’ai roulé de Paris à Dakar en 2011, j’ai emprunté le poste frontière de Rosso. À ma connaissance, il s’agit de l’un des postes de douane les plus corrompus d’Afrique. Et ce n’est pas peu dire. Quelques heures de discussion, pour finir par payer beaucoup d’argent et obtenir un permis pour une journée. A ne pas répéter. Comme nous étions juste avant la saison des pluies, le poste frontière moins connu de Diama semblait être le meilleur choix. Parce qu’il est moins corrompu, plus petit et aussi beaucoup plus calme. La raison : la seule route qui y mène est une piste dans un état déplorable. Pendant ou après la saison des pluies, il est impossible de passer. A quelques jours de l’arrivée de la pluie, nous pouvions encore tenter le coup.

Nouveaux amis

En remontant les pistes, nous avons rencontré un couple d’Espagnols qui va passer un an à parcourir l’Afrique dans un camion Mercedes transformé. Ils sont à envier, et de plus ils sont très agréables. C’est ce que nous comprendront quelques heures après les avoir rencontrés au départ de la piste. Celle-ci traverse l’arrière-pays mauritanien et l’on peut voir à la végétation que l’on se trouve près d’une grande rivière. Ici, pour la première fois, on voit des arbres et des plantes qui appartiennent clairement à l’Afrique noire. La piste est très mauvaise et les aspérités de celle-ci sont exaspérantes. Pourtant, rien ne se détache de la Kawa et la moto résiste bien à cette chaleur extrême. Le pilote fait face, mais il n’y a pas d’autre option que de continuer à rouler avec un peu de vent qui fait du bien. La désolation est encore plus grande ici que dans le désert. Ici, on se sent vraiment seul au monde.

Frontière fermée

Un peu moins de trois heures plus tard, j’arrive à la frontière avec le Sénégal. Le poste frontière de Diama est… fermé. Avec les élections, il n’y a personne du côté mauritanien. Un Néo-Zélandais qui avait loué une Ténéré en Allemagne est là depuis 7 heures du matin et il a été informé que la frontière ouvrira à 14 heures. Super, encore une heure d’attente. Une demi-heure plus tard, on apprend que le poste ouvrira à 17 heures. À ce moment-là, le photographe et le couple d’Espagnols avec le camion Mercedes arrivent. Ces dernier nous proposent immédiatement de dîner avec eux le soir, car il semble franchement que la frontière n’ouvrira pas en ce jour d’élection et que nous passerons la nuit à côté de la moto. Le fait de savoir qu’au moins nous aurons quelque chose à manger nous permets de ne pas trop nous inquiéter.

Au Sénégal

Et puis, sans crier gare, le poste frontière s’ouvre. Une heure du côté mauritanien, deux heures du côté sénégalais, et nous franchissons la frontière. Au total, nous avons dépensé 90 euros par personne et tout s’est déroulé sans encombre. Quelle différence avec la frontière de Rosso, à une heure ou deux à l’est.

Remarque : si vous n’avez pas les bons papiers, vous ne pourrez pas passer ici non plus. Le Néo-Zélandais, qui faisait la queue depuis 7 heures du matin, n’a pas pu entrer au Sénégal ce jour-là. Il avait pourtant tous les papiers, mais pas le visa. Sur internet, il était clairement indiqué que le visa n’est plus nécessaire, mais il n’y a pas d’internet à la frontière et la liste imprimée par le douanier indiquait le contraire. Le fait que la liste soit vieille de dix ans ne changeait rien, le Néo-Zélandais devait faire demi-tour. Il est retourné à Nouakchott pour demander un visa à l’ambassade de son pays. Même une tentative de corruption du douanier n’a rien donné. C’est dire.

Saint Louis : petite escale

Quoi qu’il en soit, nous étions au Sénégal et cela signifiait que nous avions deux arrêts à faire. L’un à Saint-Louis, juste de l’autre côté de la frontière, et l’autre au mythique Lac Rose, point d’arrivée légendaire du Rallye Dakar. Saint Louis est traditionnellement agréable à explorer, mais cela s’arrête là. Ancienne capitale de l’Afrique de l’Ouest, aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la ville rappelle encore, par ses bâtiments, l’époque de sa grandeur. Mais les Africains ont des choses plus importantes à faire que d’entretenir des bâtiments historiques… la décrépitude de ceux-ci en est la preuve.

Comme les héros du Dakar

Si vous avez une moto plus adaptée au tout-terrain que la Versys, il vaut mieux choisir Lompoul plutôt que Saint Louis. C’est un peu plus loin de Dakar, mais on y dort dans de magnifiques camps de tentes dans les dunes le long de l’océan Atlantique. De là, on roule pendant une heure ou deux le long de la plage, comme le faisaient les héros du Dakar, avant de traverser les dunes jusqu’au Lac Rose.

Lac Rose

Nous avons logiquement choisi de rouler avec la Versys jusqu’au Lac Rose en passant par les pistes dures de l’arrière-pays. Il était donc important de réduire la pression des pneus Bridgestone A41 à un bar et demi au lieu des 2,4 standards. Cela fait vraiment une grande différence et vous donne la confiance nécessaire pour rouler à grande vitesse dans le sable. Ce qui, à son tour, rend la conduite dans le sable beaucoup plus facile.

C’est ainsi que, par une journée où la chaleur et l’humidité rivalisaient, nous sommes arrivés au Lac Rose. Le photographe Manu, le vidéaste Yassine Benberka et Gunther Kindermann avaient pris de l’avance et m’attendaient au bord du lac avec une corde. Il s’agissait d’avoir un ruban d’arrivée de fortune à portée de main. Mais c’est quelques instants avant que ces trois-là ne m’aperçoivent que je me suis arrêté au bord du lac.

(Pas encore) fait

Un moment mémorable. 7 000 kilomètres défilent devant moi. Chaleur, passages difficiles, doutes, postes de douane, fatigue, joie, euphorie… tout m’est revenu à l’esprit dans ce qui fut peut-être ma minute la plus émouvante jamais vécue à moto.

Le défi était réalisé et quelques minutes plus tard, je passais la ligne d’arrivée improvisée au Lac Rose. De Bruxelles à Dakar en trois semaines sur une moto qui m’a étonné, comme d’ailleurs les autres acteurs de cette aventure. Et bizarrement, ce n’était pas la fin du voyage. Nous voulions montrer au cours de ce voyage non seulement que quiconque peut tout simplement rouler jusqu’à Dakar en se préparant correctement et choisissant le meilleur itinéraire . Et peut réaliser un rêve souvent impossible. Mais il s’agissait aussi de démontrer la polyvalence de la Kawasaki et des pneus. Et pour cela, nous avions trouvé un défi supplémentaire à proximité. Vous le découvrirez la semaine prochaine dans la dernière partie de cette série de cinq articles !

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