Destination Cap Nord partie 1 : à la recherche du bout du monde
Destinations mythiques pour les motards, chaque coin reculé, chaque point extrême, chaque sommet le plus élevé ou chaque vallée la plus profonde est le prétexte rêvé pour boucler ses bagages et partir à l’aventure avec son deux-roues. C’est ainsi qu’après une préparation minutieuse et des mois d’attente, c’est impatient qu’un samedi matin de bonne heure, j’ai enclenché le premier rapport. Destination le Cap Nord.
Texte : Mattijs De Lee
Photos : Quinten Ruelens & Tobias Lory
Première étape : Ekeren – Kiel – Oslo
Ce n’est pas la destination qui compte, c’est le voyage. Une vérité qui sonne juste lorsqu’on se rend à moto vers une destination mystique comme le Cap Nord. Mais avant que ce voyage ne devienne vraiment mémorable, nous devons parcourir quelques centaines de kilomètres. Joris, mon compagnon de route, entreprendra le voyage au guidon d’une Moto Morini X-Cape 650 équipée d’un ensemble de valises et top-case. La Moto Morini – en plus de posséder un non approprié pour cette aventure – s’est imposée comme un trail abordable et complet dans un segment très prisé. Pas de puissance excessive ni de technologie sophistiquée, juste de la souplesse, de la polyvalence et du confort. Pour ma part, je dispose du crossover Suzuki, la GSX S1000GX équipée du pack d’accessoires Touring. Elle est dotée d’une puissance facile à doser, de suspensions à réglage électronique et d’une selle apparement confortable. De toute façon, nous avons convenu avant le départ que je ne devrais jamais me plaindre de douleurs aux fesses.
Deux motos différentes, mais avec le même objectif. L’autoroute nous conduit facilement d’Ekeren – district nord d’Anvers – à Kiel, en Allemagne. Cette ville portuaire relie facilement par ferry, la capitale de la Norvège, Oslo. Le lendemain, vers 14 heures, nous nous garons sur le pont des voitures du Color Fantasy : le deuxième plus grand ferry de croisière au monde. Grâce à cet itinéraire, nous évitons un bon nombre d’heures de kilomètres ennuyeux, et nous arriverons en Norvège le lendemain matin. C’est tout bonus, enfin ça dépend. Car le ferry dispose d’un casino bien tentant. Quoi qu’il en soit. Une bière sur le pont soleil, un cocktail avec une vue magnifique sur le soleil couchant et un dernier coup d’œil sur les plans de voyage ne font que nous rendre encore plus impatients de voir ce qui nous attend. Il est temps de rejoindre la cabine pour une bonne nuit de sommeil.
Deuxième étape : Oslo – Bergen
Une fois accostés à Oslo, nous roulons vers Bergen sans nous retourner. La première partie de cette étape nous fait traverser un paysage que nous ne retrouverons plus vraiment par la suite. Alors que les jours suivants nous verrons des fjords bleu acier et de puissantes chutes d’eau, cette route nous emmène sur des plateaux et à travers des montagnes jusqu’à, eh bien, Bergen.
Mais un évenement imprévu nous attend sur le chemin. Après un grand virage, nous apercevons soudain plusieurs voitures arrêtées sur la route avec une Tesla fumante sur le côté de celle-ci, les airbags dépliés et la carrosserie bien pliée. La voiture avait atterri sur le bas-côté de la route quelques minutes seulement avant notre passage. Les occupants, deux jeunes enfants et leurs grands-parents, venaient juste d’être dégagés avec l’aide de passants. Le col de montagne, apparemment calme, s’est rapidement rempli de voitures et de passants qui ont apporté leur aide là où ils le pouvaient, et comme notre présence commençait à ressembler à un peu trop à du voyeurisme, nous avons décidé de continuer. À vitesse réduite, il est vrai.
Troisième étape : Bergen – Geiranger
Près de Bergen, nous prenons la direction du nord. C’est alors que commencent les traversées en ferry. Les car-ferries sont le principal moyen de transport public dans l’ouest de la Norvège, ce qui signifie heureusement que l’ensemble du système de ferries fonctionne de manière extrêmement fluide. En particulier dans la première partie du voyage, nous n’avons jamais à attendre plus de 20 minutes pour un ferry. De plus, nous passons généralement devant les camping-cars qui attendent devant nous – bien que cela dépende de l’humeur des employés du ferry. Grâce à l’application FerryPay, nous avons saisi nos plaques d’immatriculation à l’avance, de sorte que chaque traversée en ferry est facturée après coup et qu’il n’est pas nécessaire de sortir constamment sa carte de paiement.
Changement de plan
Pendant l’un des trajets en ferry, nous engageons la conversation avec un motard norvégien. Après le traditionnel « Where’re you from », nous lui parlons de nos projets pour les prochains jours. « Vous avez entendu parler de Trollstigen, n’est-ce pas ? », nous demande l’homme. « Pourquoi ? », peut-on lire sur nos visages. Apparemment, la célèbre route des Trolls, un itinéraire touristique qui passe par des points de vue impressionnants et dont l’apothéose est une route sinueuse et abrupte avec 11 virages en épingle à cheveux, a été récemment fermée à toute circulation. En raison de plusieurs éboulements, les autorités ont décidé de fermer la route pour le reste de l’année pour des raisons de sécurité. Mince. Bien entendu, cette route légendaire figurait en tête de liste de notre voyage. Nous modifions notre itinéraire en conséquence. De toute façon, c’est vite fait – il n’y en a qu’un – et nous quittons le ferry avec autant d’enthousiasme qu’avant.
Ensuite, notre itinéraire nous emmène le long de la Gamle Strynefjellsvegen. Cette route d’importance historique (Gamle signifie « vieux » en norvégien) est une véritable route touristique, car elle permet d’éviter la route moderne, nationale 15 avec son tunnel, plus rapide mais plus ennuyeuse. Sur place, vous passez (même en juin) devant des amas de neige et bénéficiez de vues imprenables sur des lacs et des chutes d’eau. De plus, les motards ont droit à un parcours varié constitué de virages avec des passages en gravier. Du pain béni pour l’X-Cape. Sur le papier, la GSX S1000-GX est moins à l’aise dans de telles conditions, mais, même à pleine charge, elle ne s’en laisse pas conter.
Red Dead Redemption
Vous roulez d’un point culminant à un autre jusqu’au moment où vous pouvez bifurquer vers une route montagneuse qui vous conduit au Dalsnibba. Ce sommet des Alpes scandinaves qui culmine à 1 476 mètres, constitue un point de vue imprenable sur le fjord de Geiranger. « Ça a l’air sympa », pensez-vous à voix haute. Mais vous êtes directement accueillis par une barrière de péage car vous devez débourser 170 couronnes norvégiennes (environ 15 euros) par moto pour passer. Compte tenu des nombreux points de vue (gratuits) et autres belles routes naturelles que nous allons encore rencontrer, cela ne semble pas en valoir la peine. C’est peut-être une erreur, mais honnêtement, nous l’avons vite oubliée. D’autant plus que les paysages incroyables qui jalonnaient notre route jusqu’à Geiranger nous donnaient l’impression d’être dans le jeu vidéo Red Dead Redemption – sur un destrier d’acier, il est vrai. Et avec moins de bandits et de femmes à la morale légère. Et avec moins d’ivresse !
Humour norvégien ?
Près de Geiranger, il est temps de planter nos tentes. Nous passons devant de magnifiques et immenses jardins surplombant l’eau. Nous convenons immédiatement que c’est l’endroit idéal pour planter nos tentes pour la nuit. Dans les pays scandinaves, on a le droit d’occuper un terrain privé pour camper la nuit. À condition toutefois de rester à une distance d’au moins 70 mètres des maisons et, de préférence, d’obtenir l’autorisation du propriétaire. Nous sonnons donc à la porte de quelques maisons pour demander l’autorisation. Le troisième propriétaire à qui nous nous adressons, un homme un peu plus âgé, n’y voit pas d’inconvénient et c’est avec plaisir que nous empruntons le chemin de son jardin pour trouver un endroit propice.
Peu après, nous apercevons au loin un jeune couple avec un chien qui se dirige vers nous d’un pas décidé. Il devient vite évident qu’ils ne sont pas très heureux de voir des motards s’installer, mais au moins nous avons l’autorisation du propriétaire, n’est-ce pas ? Mais ce n’est pas le cas. Le jeune couple s’avère être les véritables propriétaires du terrain, et le monsieur plus âgé que nous avions rencontré est le père du jeune homme. Il était en visite chez ses enfants et a pensé qu’il serait amusant de nous recevoir. Son fils l’est apparemment un peu moins. Une forme d’humour norvégien ? Ou un véritable malentendu ? Quoi qu’il en soit, nous n’avons plus l’envie de trouver un nouvel endroit de cette manière pour camper. Nous décidons de chercher un “vrai” camping que nous trouverons finalement le long du fjord de Geiranger. De là, nous nous dirigerons ensuite vers Trondheim et Bodø. Mais tout cela, nous vous en reparlerons dans la deuxième partie de notre périple. À bientôt.