Ducati présente son nouveau moteur V2… et nous y étions !
Lorsque Ducati a une nouvelle à annoncer, elle est généralement accompagnée de la grandiloquence requise. Les impressionnantes Premières Mondiales précédant l’EICMA, tant sur le plan visuel que sur celui du suspense, sont bien rodées depuis plusieurs années. Mais de temps en temps, les Italiens aiment aller plus loin. Ainsi, nous étions présents en Italie, lorsque le rideau s’est levé sur le tout nouveau moteur V2, en très petit comité d’ailleurs puisque nous n’étions que sept ( !) journalistes pour le monde entier. Une occasion unique…
Texte : Jelle Verstaen
Une étape particulière
En effet, à cette occasion, nous avons été invités à Bologne, où le quartier de Borgo Panigale est connu pour être le siège de Ducati depuis des lustres. Le parc d’activités s’étend sur plusieurs kilomètres carrés et respire la moto par tous les pores de l’asphalte, toutes les bouches d’égout et tous les conduits de l’immense bunker. Mais une présentation très spéciale nécessite une scène encore plus spéciale. Dans le sillage de l’administrateur délégué Claudio Domenicali, nous nous frayons un chemin à travers les bureaux et les lignes de production jusqu’à un bastion érigé à partir de plaques d’acier de la hauteur d’une maison, au cœur de l’usine.
Top secret
Pas de fenêtre, pas de loquet sur la porte. Mais toutes sortes de panneaux d’avertissement qui ne peuvent rien dire d’autre que « danger de mort », « attention, chien dangereux » ou « mines antipersonnel » – mon italien n’est pas très bon. Mais l’air sérieux de Domenicali alors qu’il nous fait entrer, qu’il enregistre toutes les caméras de nos téléphones et qu’il nous fait signe avec son badge – qui, nous le supposons, a le plus haut degré d’autorisation dans un rayon de cinq kilomètres – nous fait légèrement grimacer. Celui qui prend une photo, je le descends personnellement », dit-il. En anglais, donc message compris. Ça ne rigole pas. C’est top secret.
“Spécialités”
L’aspect James Bond de notre arrivée a ses raisons. Après tout, derrière les portes se cache le service de Cardiologie, le département des moteurs Ducati, où chaque cœur de Ducati mûrit de A à Z. Avant que les ouvriers de l’usine avec un air curieux ne puissent jeter un coup d’œil à l’intérieur, nous sommes poussés à travers l’entrebâillement d’une porte. Le prélude longuement attendu ne déçoit pas du tout : dans les couloirs de l’hôpital, derrière l’acier, une incroyable série de blocs moteurs sont alignés sur des supports métalliques d’environ un mètre de haut. Du tout premier moteur Ducati, en passant par des « spécialités » du type « 350 desmo avec double carburateur Bing et supercharger » et un véritable trois cylindres prématurément abandonné en 1980, jusqu’au V4 de l’actuelle génération de racers pur-sang. La folie.
Des tours d’essai virtuels
En arrière-plan, une Panigale V4 2025 hurle à pleins poumons derrière une vitre, effectuant d’interminables – mais virtuels (banc d’essai) – tours de piste à Misano. Accélération, changement de vitesse, hauts régimes et encore hauts régimes. De l’autre côté de la vitre, les ingénieurs hochent la tête d’un air approbateur. À quelques mètres de là, le département Ducati Corse est occupé à mettre au point une nouvelle ligne d’échappement – je suppose que les motos de série et les pure-sangs de compétition se marient rarement mieux qu’ici, à Borgo Panigale. C’est tout à fait impressionnant. Une sensation audiovisuelle, mais aussi olfactive, offerte par les moteurs gonflés à la testostérone.
Couverture rouge
D’accord, les Italiens ont déjà fait forte impression avec brio. Mais jusqu’à présent, nous ne savons pas exactement pourquoi nous sommes ici. Un « Tech Talk », oui, mais c’est tout ce qu’on nous a dit. Cependant, la couverture rouge qui recouvre le dernier « bloc » de la ligne – et l’espace en lui-même – renforcent notre soupçon qu’un nouveau coeur pourrait bien être présenté ici. Après le Desmodue (1971), le Desmoquattro (1987), le Testastretta (2001), le Desmotre (2004), le Testastretta Evoluzione (2007), le Superquadro & Testastretta 11° (2011) et le Testastretta DVT (2015), le chef de projet Gianluca Zattonni tire la couverture pour nous faire découvrir un nouveau moteur.
V2
Nous entendons “V2” … un nom aussi succinct qu’accrocheur. Ce nouveau moteur V2 à 90° de 890 cm3 à refroidissement liquide est une bombe remarquablement supercarrée (96 x 61,5 mm) sous-entendant des régimes de rotation élevés, avec un taux de compression important (13,5:1) et une distribution variable à l’admission. Qui servira également comme élément porteur. Le nouveau venu développe 120 ch à 10 750 tr/min et 93,3 Nm à 8 250 tr/min (126 ch et 98 Nm avec l’échappement Termignoni race), tandis que le rupteur n’interviendra qu’à 11 350 tr/min. La boîte de vitesses à six rapports est reliée au Quick Shift 2.0 Ducati. Résultat, ce V2 est le moteur Ducati le plus léger (54,4 kg !) jamais sorti de la ligne d’assemblage de Borgo Panigale. Il est 9 kg plus léger que le Superquadro, et pèse 5,8 kg de moins que le Testastretta Evoluzione.
Une touche de Da Vinci
Domenicali n’hésite pas à faire appel à son célèbre compatriote Léonard de Vinci pour encadrer l’ingénieuse combinaison d’art et de technologie appliquée au V2. Les carters moteur sont façonnés de manière à incorporer la chambre d’eau autour des chemises de cylindre en aluminium. Celles-ci sont insérées dans les carters, ce qui permet de visser la culasse directement sur le carter (pour plus de rigidité). Des canaux de refroidissement traversent les tiges de piston (pure technologie MotoGP !). Pour optimiser les performances du moteur, les basculeurs d’ouverture des soupapes d’admission ont un traitement DLC (Diamond-Like Carbon), comme sur la Desmosedici MotoGP. Le nouveau V2 est équipé d’un circuit de dérivation d’admission. Un conduit relie la boîte à air et les conduits d’admission des deux cylindres le long de la soupape d’admission, améliorant ainsi le mélange air/carburant pour une plus grande efficacité énergétique.
Non, le nouveau V2 n’est pas un moteur desmo, les arbres à cames sont reliés au vilebrequin par des chaînes « silencieuses » et commandent les soupapes (avec des tiges creuses) par des linguets (culbuteurs) pour l’ouverture et des ressorts pour la fermeture. Ce qui était la marque de fabrique et un sacré argument de marketing du fabricant italien, disparait aujourd’hui sous nos yeux.
Hôtes potentiels
Si l’on cherche à installer dans le futur, ce V2 sur une moto, juste pour le plaisir, les possibilités semblent assez vastes. Après tout, grâce à ses corps de papillon de 52 mm, son injecteur unique par cylindre, son système ride-by-wire et son IVT, le V2 promet de tourner gentiment à bas régime, ce qui semble jouer en faveur d’un roadster – une Monster, peut-être ? Avec une belle sonorité et peut-être un wheeling. Ou devrions-nous plutôt penser à un allroad ou à une tourer ? Plus de 70% du couple est disponible en dessous de 3000 tr/min, selon les données techniques, ce qui permettrait de rouler sur n’importe quel terrain. Une nouvelle DesertX ? Ou… Souvenons-nous de la course plutôt courte des pistons et de la zone rouge qui débute à 11 350 tr/min, ce qui ouvre la porte à une nouvelle Panigale V2 ? Ou bien toutes ces solutions sont-elles envisageables dans un avenir très proche ? Sur ce point, Ducati garde les lèvres bien fermées. Au moins jusqu’à l’EICMA…