Essai comparatif : KTM 990 Duke vs. Triumph Street Triple RS
L’attaque est la meilleure défense. C’est la traduction libre de ce que Sun Tzu a écrit dans « L’art de la guerre » quatre cents ans avant notre ère. Mais aujourd’hui encore, cette affirmation est plus que jamais d’actualité, en particulier chez les roadsters de milieu de gamme. Le segment est plus encombré que jamais et il faut donc passer à l’attaque pour avoir une chance d’être devant. Quels sont les deux motos les plus extrêmes à envoyer sur le champ de bataille ? Pour répondre à cette question, nous avons sélectionné la nouvelle KTM 990 Duke et la Triumph Street Triple RS.
Texte : Jelle Verstaen
Photos : Jarno van Osch / Shot Up Productions
Pas pour les introvertis
Si nous mettons les deux challengers nez à nez, les différences sautent immédiatement aux yeux. La KTM est – comme d’habitude – euh… pas le genre de moto pour les introvertis. Des lignes acérées Kiska à l’orange criard, en passant par le nouveau phare LED spécial avec feux de position et DRL presque subtilement implémenté. Il est impossible de rester insensible, que l’on aime ou pas. Fait notable : le pot d’échappement de style supermotard en position haute qui équipait la famille depuis la 790 Duke a été remplacé par un silencieux plus classique, placé à droite du bras oscillant. À notre avis, cet élément rompt avec l’allure compacte et musclée de la 990 Duke.
Beauté poétique
A côté de l’extravagante autrichienne, la Street Triple RS, bien que non dépourvue de la musculature requise, fait une impression presque affable. Du cintre large aux rétroviseurs en bout de guidon, en passant par la ligne constante et diagonale du capot de selle du passager vers l’essieu avant, jusqu’aux phares distinctifs, l’anglaise attire agréablement l’attention. La finition est inégalée dans ce segment en termes d’exécution, avec un souci du détail dont tout challenger peut s’inspirer. D’un point de vue purement optique, mais aussi en termes de sensations. Il n’y a pas un seul élément mal placé, tout est bien pensé et parfaitement adapté à cette machine. Même le câblage – regardez la conduite de frein arrière, qui épouse la forme du bras oscillant et forme un « S » jusqu’au câble d’embrayage. Cette machine est d’une beauté presque poétique.
Ergonomie
Maintenant qu’elles sont côte à côte, j’en profite pour tester la position de conduite – c’est toujours agréable de les avoir sous les fesses immédiatement l’une après l’autre. Un œil sur la fiche technique, un autre sur chaque point de pivot de mon corps, voilà l’idée. Il est frappant de constater que les dimensions et l’ergonomie sont étonnamment plus proches l’une de l’autre qu’on ne le pense instinctivement. Par exemple, le triangle entre le guidon, les repose-pieds et la selle est presque identique sur les deux machines, de sorte que la position de conduite diffère à peine. Sur la Triumph, vous êtes assis un peu plus haut (836 contre 825 mm) et un peu plus penché vers le guidon plus large. L’angle au niveau des coudes et des genoux est proche de 90°, alors que vous êtes assis dans le creux de la selle sur les deux machines. Une position plutôt confortable et facile à garder dans les deux cas. La selle de la Street Triple est toutefois un peu moins rembourrée et, à notre avis, moins adaptée aux longs trajets.
Plus et moins
Sur le plan de la motorisation, les deux machines se distinguent principalement par leur configuration. Ainsi, le cœur battant de la « Sniper » – le petit nom de la nouvelle KTM 990 Duke – est le désormais familier LC8c. Le bicylindre parallèle de 947 cm3 est dérivé du moulin équipant la 890 Duke R, mais l’alésage et la course ont été augmentés. En conséquence, le nouveau moteur a également eu besoin de nouveaux pistons, au même titre que les bielles et le vilebrequin. Le résultat donne un moteur plus puissant sur toute la ligne, développant 123 ch et 103 Nm à respectivement 9 500 et 6 750 tr/min. Triumph est depuis longtemps fière de ses trois cylindres. Le moteur de la famille 765 a récemment reçu de nouveaux pistons et bielles, des arbres à cames à plus grande levée pour les soupapes également nouvelles, et le taux de compression est passé à 13,25:1. En outre, le nouveau trois cylindres respire plus librement : un orifice d’admission plus grand, des conduits d’admission plus courts, une ligne d’échappement plus libre avec un seul catalyseur, un silencieux modifié… Le triple de la RS développe 130 ch à 12 000 tr/min et 80 Nm à 9 500 tr/min. Plus de puissance donc, mais avec moins de couple…
La distinction plutôt que la force brute
On nous dit souvent qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture. Mais dans le cas de ces deux machines, vous obtenez presque exactement ce à quoi vous vous attendez. La sophistication du système ride-by-wire frôle la perfection sur la Street Triple RS. C’est précis et réactif à la moindre ouverture des gaz sans jamais de temps mort. En dessous, 3 000 à 3 500 tours suffisent pour une balade tranquille, et juste au-dessus, vous pouvez vous amuser avec des moyens régimes bien rempli. Cependant, pour une poussée plus vive, il est préférable de viser au moins 5 000-5 500 tr/min : c’est à ce moment-là que le couple se manifeste vraiment et que la Street Triple monte rapidement vers le rouge. La nouvelle démultiplication vous incite invariablement à passer un rapport de plus que vous ne le feriez normalement, le quickshifter de série se montrant très performant.
Ready to Race
La 990 Duke est également équipée d’un quickshifter, mais dans ce cas, il s’agit d’une option. Un supplément coûteux, mais bienvenu. En effet, pour que le LC8c fonctionne en douceur, il est nécessaire de changer souvent de rapport. Les bas régimes et l’ouverture prudente de la poignée d’accélérateur ne lui conviennent pas autant, alors qu’il faut rapidement tourner à 4 500 tours ou plus pour être dans la zone optimale. Quoi qu’il en soit, la Duke y arrive en un rien de temps, après quoi elle pousse fermement (y compris le train avant plus léger) jusqu’à près de 10 000 tr/min et à des vitesses complètement irresponsables. Le contrôle du wheeling (optionnel) et l’antipatinage réglable sont très utiles sur cette machine et se sont bien comportés durant l’essai. En ces temps de surpopulation dans le segment des roadsters de milieu de gamme, KTM reste fermement attaché à son projet d’éblouir tout le monde avec sa politique « Ready to Race » (prête à courir). Compte tenu des gadgets embarqués, on pourrait oser la confier à des pilotes moins expérimentés – mais la pratique montre que cette dernière est plutôt destinée à ceux qui ont plus de kilomètres à leur actif.
Le contraire
Durant cet essai, nous alternons entre la Duke et la RS, les principales différences de comportement apparaissant rapidement. Avec un empattement plus long (1 476 contre 1 399 mm), comme la chasse (99,6 contre 96,9 mm) et l’angle de la colonne de direction (24,2° contre 23,2°), on pourrait penser que la KTM est la plus stable des deux, et qu’elle demande un peu plus d’efforts pour se diriger que son homologue britannique. En réalité, c’est exactement le contraire : la Speed Triple est aussi stoïque et stable que possible, tandis que la 990 Duke est parfois très nerveuse. En entrée de virage et à haute vitesse, nous préférons rapidement la confiance que dégage la Street Triple RS à l’allure plus clinquante de la 990 Duke.
Adhérence immédiate
Bien sûr, ces différences sont aussi en partie dues à la combinaison entre les suspensions et la réactivité du moteur. L’adhérence instantanée des Pirelli Supercorsa SP, même à basse température, correspond parfaitement à la sensation de confiance que procure la réponse de la poignée d’accélérateur sur la RS. Pas un mot de travers non plus sur les Dunlop SportSmart TT de la Duke, d’ailleurs – même si le tempérament un peu nerveux de la 990 signifie que vous aurez plus de chances de prendre un virage en toute confiance avec la Triumph. De plus, le sentiment de précision et de contrôle sur la Triumph est plus grand grâce à la combinaison du levier de frein MCS et des Stylema Brembo, alors que les freins de la KTM se laissent actionner puissamment mais avec moins de feedback.
Œillets orange
En matière d’électronique, la RS n’a de leçon à recevoir de personne. Elle peut compter sur une centrale IMU qui contrôle à la fois l’ABS en inclinaison et l’antipatinage, ainsi que le contrôle du wheeling en fonction du mode de conduite. Un système de freinage couplé, un quickshifter haut/bas, des feux à LED et un tableau de bord TFT font également partie du copieux équipement de base. Comme son homologue, la KTM 990 Duke est également bourrée d’électronique : trois modes de conduite standard, un ABS sensible à l’inclinaison et un contrôle de traction (via IMU), ainsi qu’un mode Supermoto pour l’ABS. L’intervention du TC et de l’ABS – et l’angle d’inclinaison obtenu – sont indiqués sur l’écran couleur TFT de 5 pouces avec verre résistant aux rayures. En plus de cela, le tableau de bord est également équipé d’un point de charge USB-C. L’utilisation des menus est très intuitive sur les deux machines, bien que les fleurs ou plutôt les œillets orange reviennent de manière décisive à l’Autriche. De la luminosité du tableau de bord à la structure logique des menus, en passant par la facilité d’utilisation du commutateur à quatre voies, il existe peu d’écrans TFT que nous préférerions (et que nous pourrions plus facilement) mettre sous notre nez que celui-ci.
Conclusion
En ce qui me concerne, la Street Triple 765 RS était et est toujours, deux ans après sa dernière refonte, la référence absolue parmi les roadsters de milieu de gamme. Enfin, qu’est-ce qu’on appelle encore la « classe moyenne ». La Street Triple est très polyvalente, qu’il s’agisse d’aller chercher des croissants le dimanche matin ou de se rendre sur un circuit quelques heures plus tard. Elle est toujours une source d’inspiration et offre un aspect et une sensation de qualité. Pour moi, c’est la meilleure moto de ce test. Cependant, la 990 Duke a fait de son mieux pour suivre le rythme, avec succès à plusieurs niveaux. En termes de jeu, l’Autrichienne est inégalée, avec un moteur (très) puissant, un châssis sérieux et une électronique qui peut être considérée comme la crème de la crème en termes d’intervention et de maniabilité. Mais si vous choisissez dans cette gamme de prix, c’est l’harmonie de l’ensemble qui est déterminante à mes yeux. Et la maturité l’emporte sur la fanfaronnade juvénile. J’ai l’air d’un vieux con maintenant ?
Les plus et les moins
KTM 990 Duke / Les + : moteur et cadre à caractère ludique, style percutant, tableau de bord et commandes
Triumph Street Triple RS / Les + : interaction entre châssis et moteur, finition, rapport budget/performances
KTM 990 Duke / Les – : quickshifter optionnel, extension de logiciel optionnel, pas pour les débutants
Triumph Street Triple RS / Les – : rayon de braquage, menus de l’écran TFT, Heu… « Une fois que vous aurez adopté la Street Triple RS… »
Données techniques
KTM 990 Duke | Triumph Street Triple RS | |
MOTEUR | ||
Type | bicylindre parallèle, refroidissement liquide | trois cylindres en ligne, refroidissement liquide |
Cylindrée | 947cc | 765 cc |
Alésage x course | 92,5 mm x 70,4 mm | 78,0 x 53,4 mm |
Soupapes/cylindre | 4 | 4 |
Taux de compression | 13,5:1 | 13,25:1 |
Alimentation | injection, DKK Dellorto | injection multipoint séquentielle |
Embrayage | multidisque en bain d’huile, Antihopping PASC | multidisque en bain d’huile, anti-dribbling |
Boîte de vitesses | 6 rapports | 6 rapports |
Transmission | chaîne | chaîne |
PRESTATIONS | ||
Puissance maximum | 123 ch (90,5 kW) @ 9.500 tr/min | 130 ch (95,6 kW) @ 12.000 tr/min |
Couple maximum | 103 Nm @ 6.750 tr/min | 80 Nm @ 9.500 tr/min |
ÉLECTRONIQUE | ||
Moteur | 3 modes de conduite, ride-by-wire | 5 modes de conduite, quickshifter, ride-by-wire |
Partie-cycle | ABS en virage (+ mode Supermoto) contrôle de traction réglable, IMU, écran TFT |
ABS en virage, contrôle de traction, IMU, écran TFT, contrôle de wheeling
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PARTIE-CYCLE | ||
Cadre | treillis en acier | Aluminium à deux logerons |
Suspension avant | fourche inversée Apex de 43mm | fourche inversée Showa SFF-BPF de 41 mm |
Réglages | compression, détente | entièrement réglable |
Suspension arrière | monoshock WP Apex | monoshock Öhlins STX40 |
Réglages | précharge et rebond | entièrement réglable |
Débattement av/ar | 140/150 mm | 115 mm / 131,2 mm |
Frein avant | deux disques de 300 mm, étriers radiaux à 4 pistons | deux disques flottants de 310 mm, étriers radiaux Brembo à 4 pistons |
Frein arrière | un disque de 240 mm, étrier flottant à 1 piston | un disque de 220 mm, étrier Brembo à 1 piston |
Pneumatique av/ar | 120/70-17, 180/55-17, Dunlop SportSmart TT | 120/70ZR17, 180/55ZR17, Pirelli Diablo Supercorsa SP V3 |
DIMENSIONS & POIDS | ||
Empattement | 1.476 mm | 1.399 mm |
Angle de chasse | 24,2° | 23,2° |
Chasse | 99,6 mm | 96,9 mm |
Hauteur de selle | 825 mm | 836 mm |
Poids | 179 kg à vide | 189 kg TPF |
Réservoir | 14,8 litres | 15 litres |
Prix | 12.999 euros | 13.395 euros |