Premier essai de la Triumph Tiger Sport 800 : Tigre jaune, lune bleue
Nous nous plaignons très souvent en Belgique d’un climat mauvais, surtout à cette période de l’année. On se dit toujours que c’est mieux ailleurs surtout dans le sud. Et pourtant, l’Algarve portugaise, par exemple, a été la proie des excès de la tempête Herminia la semaine dernière. Des vagues de 10 mètres de haut, des rafales de 120 km/h et plus de 100 mm de précipitations par mètre carré ont donné lieu à des journées apocalyptiques. Qui pourrait avoir envie de rouler en moto dans ces conditions ? Et bien quelques farfelus comme votre serviteur, qui était là pour la présentation de la Triumph Tiger Sport 800 2025 à la presse !
Texte : Jelle Verstaen
Le jeu des 7 erreurs
Heureusement, nous avons pu compter sur la toute nouvelle Triumph Tiger Sport 800 pour nous réchauffer un peu le moral. Elle est là, sur le parking de l’hôtel dans sa belle robe ‘Cosmic Yellow’. Quiconque se souvient de sa petite sœur, la Tiger Sport 660, reconnaîtra rapidement certaines caractéristiques stylistiques et certaines pièces. De la forme du carénage de tête de fourche aux lignes acérées du réservoir, en passant par le bras oscillant (identique), les deux Tiger Sport ont des gênes en commun. Cependant, la 800 bénéficie de quelques avantages et améliorations. Par exemple, le pare-brise est réglable manuellement (facilement d’une seule main), les feux avant à LEDs sont rejoints par des DRL, il y a un peu plus d’habillage autour du radiateur et sous le collecteur d’échappement, les étriers à fixation axiale avant ont été remplacés par des étriers radiaux, et le silencieux d’échappement n’est pas monté sous le moteur, mais plus conventionnellement sur le côté droit du bras oscillant.
100 euros supplémentaires
Les autocollants sur le réservoir sont soigneusement placés sous le vernis, chaque bouton est parfaitement à sa place et aucun des leviers ou manettes n’a plus de jeu que vous ne le souhaiteriez. Du made in Hinckleys, en effet. À première vue, la nouvelle Tiger Sport 800 a tout pour plaire. La couleur de base de la nouvelle venue est Graphite/Noir Saphir, pour chacune des autres teintes – comme la magnifique robe jaune de notre moto d’essai, le Bleu Caspien/ Noir Fantôme ou simplement le Noir Saphir – vous payerez 100 euros supplémentaires. C’est une politique courante chez les Anglais, dommage.
Un couple bien réparti
Comme la Tiger Sport 660, la 800 reçoit également un moteur trois cylindres, et nous remarquons tout de suite une similitude avec la Street Triple 765 : l’alésage (78 mm) est identique, mais la course diffère, avec toutes les conséquences que cela implique. Un peu moins de deux millimètres et demi de course supplémentaire, cela ne semble pas beaucoup, mais cela apporte tout de même un surplus de 33 cm3 (798 cm3). Ce qui a obligé Triumph à modifier le vilebrequin, les pistons, les bielles, la culasse, les chemises, les soupapes et bien plus encore. Le résultat donne un moteur développant 115 ch à 10 750 tr/min et 84 Nm à 8.500 tr/min. Grâce à une démultiplication spécifique, à des réglages – notamment une courbe de couple très plate – et au choix de papillons triple corps au lieu d’un seul, monté au centre (comme sur la Tiger Sport 660), le couple est bien réparti. Un bon 90 % de ce couple est disponible dès 3 000 tr/min. Noté cela, nous y reviendrons plus tard. Bon à savoir : le moteur est accouplé à une boîte de vitesses à six rapports avec embrayage à glissement assisté et quickshifter monté de série (montée/descente), trois modes de conduite (Rain, Road et Sport), un régulateur de vitesse aussi de série, une centrale IMU et, par conséquent, un antipatinage et un ABS sensibles en virage.
Une confiance à toute épreuve
Alors que la pluie – sous l’influence d’Herminia – veut traverser mes vêtements textile de tous les côtés et avec la force nécessaire, je n’ai au départ, pas beaucoup de temps pour m’attarder sur le confort de la selle – ce sera pour plus tard. Je fais glisser le pare-brise dans sa position la plus haute, j’active les poignées chauffantes (optionnel) au plus fort et sélectionne le mode de conduite « Rain ». Cela permet de conserver toute la puissance et tous les Nm disponibles, mais la réponse à la poignée d’accélérateur est beaucoup plus douce et l’antipatinage intervient en conséquence. Un coup de pied avec le gros orteil plus tard, la boîte de vitesses passe en première et c’est parti. Une nervosité évidente – qui se manifeste toujours lors d’un essai sous une pluie battante – cède la place à un sentiment de confiance inattendu après les premiers mètres. En effet, la commande électronique de la poignée d’accélérateur répond avec feeling dès la moindre ouverture, le moteur monte en régime à partir de 1 500 tours avec souplesse et linéarité et la boîte de vitesses passe les rapports avec légèreté et sans à-coups alors que nous nous faufilons dans le centre ville de Vilamoura. C’est exactement ce que l’on souhaite sur une chaussée bien mouillée. Bien calés sur la selle épaisse, les genoux trouvent refuge dans les renfoncements du réservoir, tandis que le pare-brise fait passer la pluie et les turbulences au-dessus de mon casque et des épaules. Les mains et les pieds, en revanche, sont complètement dans la ligne de mire des intempéries – avec les protège-mains en option, les premiers seraient vraisemblablement épargnés, mais cet accessoire est malheureusement toujours sur l’étagère à Hinckley.
Hommage
Après être sortis de la ville, notre groupe grimpe dans les montagnes environnantes en accélérant le rythme au fil des kilomètres. Avec de la marge, cela va de soi. Le trois pattes respire entre chaque courbe de la chaussée avec la vigueur nécessaire, maintenant souvent le régime entre 3 000 et 5 500 tours – bien que la Tiger Sport 800 signale avec impatience, via son échappement, qu’il y a moyen de faire encore mieux. Mais dans un premier temps, l’accent est mis sur le maintien de l’adhérence, les Michelin Road 5 montés sur les jantes de 17 pouces font leur travail avec brio. Pas un seul faux pas dans la matinée détrempée, et il en sera ainsi tout au long des 220 kilomètres, quelle que soit la quantité d’eau qui coulera sur la chaussée comme dans un ruisseau. Hommage. La combinaison des puissants étriers radiaux à quatre pistons estampillés Triumph de l’avant, des suspensions Showa réglables (compression et détente à l’avant, précharge du ressort et détente à l’arrière) – qui semble être un compromis parfait entre le confort et une touche de sportivité, avec les réglages par défaut – et de l’électronique qui intervient presque imperceptiblement (mais visiblement) là où c’est nécessaire, sont complices de cette bienveillance. J’ai rarement ressenti autant de confiance sur une moto depuis bien longtemps.
Deux visages
Ce n’est que l’après-midi que nous rencontrerons des conditions de roulage plus sèches, et que nous pourrons – enfin – exploiter tout le potentiel de la Tiger Sport 800. Je passe au mode de conduite « Road “ puis au ” Sport », la réponse à la poignée d’accélérateur devient plus vive et je m’engage dans les virages avec une grinta grandissante. Au fur et à mesure que le régime augmente, la puissance délivrée fait de même. Un tronçon d’autoroute révèle son vrai caractère : à partir de 6 000 tr/min, on entre dans la « sweet zone », où la Tiger Sport 800 monte en régime à vive allure et continue comme un pur-sang de course jusqu’à 10 000 tr/min. Surprenant, compte tenu de son caractère doux et très polyvalent à bas régime. Un sacré cas comme Dr Jekyll & Mr Hyde, provoquant un grand sourire derrière ma visière. Mes soupçons – que la Tiger Sport 800 est beaucoup plus proche de la Street Triple que de sa petite soeur – sont confirmés. Du couple et de la puissance à gogo, une réponse à l’accélération qui n’a rien à envier à d’autres motos, et un châssis qui digère tout cela avec le sourire, surtout après avoir augmenté la précontrainte des ressorts d’un cran. Cela fait penser à une Street Triple, mais aussi à une moto avec laquelle on pourrait partir en voyage à travers le monde. De la folie dans un emballage de toute beauté, c’est du moins mon avis.
Nul n’est parfait
Après un bruit d’admission qui donnait déjà une bonne impressionnant durant les premiers kilomètres parcourus prudemment, la Tiger Sport 800 rugit beaucoup plus méchamment à haut régime, via son silencieux en acier inoxydable, avec des petites portions “à contre-courant” pour chaque coupure. Une sorte de cerise sur le gâteau, délicieux. Ce qui l’est un peu moins par contre, c’est le tableau de bord. Celui-ci est un hybride LCD/TFT, où la vitesse et le régime sont projetés en chiffres négatifs sur l’écran LCD, et tous les réglages sur un écran TFT de la taille d’une demi-carte bancaire. On ne peut pas vraiment dire que cette partie de la moto soit un atout : l’écran couleur TFT est caché assez bas derrière les rehausseurs du guidon, ce qui ne vous laisse pas d’autre choix que de détourner le regard un instant pour chercher l’information. De plus, la structure logique du menu nécessite un certain nombre de confirmations, ce qui rend difficile la modification de toutes sortes de paramètres pendant la conduite. Par exemple : pour changer le mode de conduite, il faut d’abord appuyer sur la touche ‘M’ du commodo, puis utiliser les flèches pour se déplacer vers le mode préféré, puis appuyer sur le bouton de confirmation et enfin relâcher la poignée d’accélérateur. J’ai déjà vu plus simple – même dans la propre gamme Triumph. Il ne fait aucun doute que la recherche d’un prix serré a joué un rôle important sur ce point.
Concurrence
Avec un tarif débutant à 12 695 euros, la dernière Triumph Sports Tourer est proposée à un prix assez intéressant, surtout si l’on considère l’ensemble de ses équipements. Elle est déjà 500 euros moins cher que sa concurrente la plus probable, la Yamaha Tracer 9, dont le prix de départ est de 13 199 euros. Parmi les machines susceptibles de lui faire de l’ombre, la BMW F 900 XR et ses 12 490 euros est également une adversaire à craindre, bien que celle-ci risque d’être confrontée à l’absence d’un troisième cylindre et des chevaux et newtons-mètres qui vont avec. Quoi qu’il en soit, la bataille promet d’être rude dans ce segment de plus en plus populaire, et elle se jouera sans doute à la virgule près. Et quelque chose me dit qu’une bonne paire de griffes sera bienvenue dans une prochaine confrontation.
Conclusion
De temps en temps, une moto se présente et vous savez, après seulement cinq kilomètres, qu’elle figurera sur votre liste de motos préférées et qu’elle y restera probablement pendant les prochaines années. La Triumph Tiger Sport 800 est de celles-là. Un look très abouti, une finition impeccable, un confort irréprochable, un moteur parfait – de doux à teigneux, de la boîte de vitesses à l’électronique – et un châssis qui ne laisse tout simplement rien à désirer. Imaginez le même tableau de bord que celui de la dernière Tiger 900, et vous aurez entre les mains la moto de l’année. La machine que vous recommanderiez à votre meilleur ami, qu’il soit expérimenté ou pas. Un essai ? N’hésitez pas !
Les plus et les moins
Les + : un moteur d’une douceur et d’une puissance insensées, rien à redire sur le châssis, le quickshifter est un atout absolu.
Les – : le tableau de bord LCD/TFT est plutôt daté, payer 100 euros de plus pour une couleur (également métallisée) ?
Données techniques de la Triumph Tiger Sport 800
MOTEUR | |
Type | trois cylindres en ligne à refroidissement liquide, DACT |
Cylindrée | 798 cc |
Alésage x course | 78,0 x 55,7 mm |
Soupape/cylindre | 4 |
Taux de compression | 13,20:1 |
Alimentation | Injection électronique multipoint séquentielle Bosch avec commande d’accélérateur électronique |
Embrayage | multidisque en bain d’huile et anti-dribbling |
Boîte de vitesses | 6 rapports |
Transmission finale | chaîne |
PRESTATIONS | |
Puissance maximum | 115 ch (84,6 kW) @ 10.750 tr/min |
Couple maximum | 84 Nm @ 8.500 tr/min |
ÉLECTRONIQUE | |
Moteur | 3 modèles de conduite (Rain, Road, Sport), quickshifter up/down, ride-by-wire, cruisecontrol |
Partie-cycle | ABS sensible à l’inclinaison et antipatinage réglable, IMU, écran LCD/TFT, contrôle de la trajectoire, feux LED |
PARTIE-CYCLE | |
Cadre | Périphérique tubulaire en aluminium |
Suspension avant | fourche inversée Showa SF-BPS de 41 mm |
Possibilités de réglage | compression et détente |
Suspension arrière | mono-amortisseur Showa |
Possibilités de réglage | précharge hydraulique à distance, compression |
Débattement av/ar | 150/150 mm |
Frein avant | deux disques flottants de 310 mm, étriers radiaux à 4 pistons |
Frein arrière | un disque de 255 mm, étrier coulissant Brembo à 1 piston |
Pneumatique av/ar | 120/70ZR17, 180/55ZR17, Michelin Road 5 |
DIMENSIONS & POIDS | |
Empattement | 1.422 mm |
Angle de chasse | 23,8° |
Chasse | 99 mm |
Hauteur de selle | 835 mm |
Réservoir | 18,6 litres |
Poids | 214 kg TPF |
PRIX | |
À partir de | 12.695 euros |