Essai nouveauté Ducati Panigale V4 S 2025 : Une classe à part
Avec la toute nouvelle Panigale, nous en sommes à la septième génération de motos superbikes de Bologne. Ce qui a commencé en 1988 avec le bicylindre 851 s’est transformé en une success story. Pour perpétuer cette histoire, Ducati a construit une nouvelle Panigale composée à 94% de nouvelles pièces. En exclusivité, nous avons été invités à un premier essai.
Texte : German Ooms
Un regard différent
En MotoGP, le règne de Ducati est écrasant. Sous la direction de l’ingénieur Gigi Dall’Igna, la Desmosedici s’est transformée en une machine imbattable. Il n’est pas surprenant que Ducati ait été très désireux d’utiliser la technologie responsable du succès de Ducati Corse pour développer la nouvelle Panigale. L’aérodynamique en particulier avait besoin d’être retravaillée. La génération précédente de la Panigale a été équipée d’aides aérodynamiques tout au long de son existence, mais dans le développement de cette dernière version, l’aérodynamique a été incorporée dans le design dès les premières lignes de crayon. Cela a considérablement modifié l’aspect de la Panigale.
Les lignes de la 916
Ducati utilise le principe « la forme suit la fonction », mais heureusement, une fois de plus, il a choisi de combiner l’ingéniosité technique (aérodynamique) et le design italien. A l’avant, par exemple, on reconnaît clairement les lignes de la 916, vieille de 30 ans. Celles-ci sont associées à un package aérodynamique de pointe et à un design un peu plus plat, ce qui donne à la nouvelle Panigale une allure un peu moins trapue que le modèle sortant. Les choses sont très différentes à l’arrière, où le magnifique et si typique mono bras a été remplacé par un double bras « normal ». Ici, la fonction a clairement pris le pas sur la forme. Plus précisément, ce nouveau bras oscillant permet de réduire le poids non suspendu, de diminuer la rigidité latérale (-37%), d’augmenter la traction lors des accélérations en sortie de virage et, surtout, d’améliorer l’adhérence du pneu arrière aux angles d’inclinaison extrêmes.
Angle d’inclinaison de 60 degrés
La technologie des pneumatiques a tellement évolué ces dernières années qu’il est désormais possible d’obtenir des angles d’inclinaison de 60 degrés et plus. Avec de telles valeurs, la performance des suspensions est sérieusement compromise et la rigidité (ou flexion) du bras oscillant est cruciale pour un bon contact pneu/route. Cependant, Ducati n’a pas pris de risques, n’oublions pas que le mono bras et le contrôle desmodromique des soupapes, sont des caractéristique indéniables des superbikes Ducati. Lors de nombreux tests sur plus de 10 circuits différents et avec de nombreux pilotes d’essai, le bras oscillant “traditionnel” à double bras est toujours apparu meilleur que le mono bras. Même une « vieille » Panigale équipée de ce nouveau bras oscillant s’est avérée plus rapide d’une seconde en moyenne.
Statu quo pour la puissance
Il fallait s’attendre à ce qu’un travail sérieux soit effectué sous la carrosserie. Après tout, ces moteurs de course survitaminés doivent également répondre à la nouvelle norme Euro5+. C’est un véritable défi pour un constructeur. La base du moteur reste, bien sûr, le désormais familier V4 Desmosedici Stradale à 90° qui, incliné vers l’arrière avec un angle de 42°, forme le lien entre le nouveau bras oscillant et le cadre également nouveau – et toujours aussi minuscule (-700 grammes). Avec ses 1 103 cm3, le moteur développe désormais 216 ch à 13 500 tr/min, soit un demi cheval de plus que son prédécesseur. Le couple maximal est de 120,9 Nm à 11 250 tr/min. Soit 2,7 Nm de moins que le modèle sortant. En outre, le nouveau moteur doit tourner 1 750 tours de plus, ce qui représente une différence considérable.
Seulement 20 journalistes
Il sera intéressant de voir comment cela se traduira lors de ce premier test à l’Autodromo Vallelunga Piero Taruffi, près de Rome. Un circuit un peu moins connu dans le milieu de la moto, mais idéal pour ce test en raison de sa combinaison de sections très techniques et de passages rapides. Un événement exclusif, répartis sur deux jours d’essais, avec seulement 20 journalistes triés sur le volet. L’excitation et la température vont de pair avant la première des six séances d’essais. Parce qu’il s’agit d’une piste inconnue, d’une nouvelle superbike de haut niveau et, qui plus est, d’une double première mondiale. En effet, la nouvelle Panigale est la première à être équipée des nouveaux étriers Hypure de Brembo. Ceux-ci sont plus légers de 60 grammes par jeu (poids non suspendu, donc très important), ils sont plus rigides et ont une meilleure dissipation de la chaleur. De plus, ils ont 15% de friction résiduelle en moins. Il s’agit de la friction entre les étriers et les disques lorsque l’on ne freine pas. Ce sont de petits détails qui peuvent faire la différence dans cette catégorie de motos supersportives premium.
Championne du monde en titre
La Panigale est la championne du monde en titre en Superbike et bien que Ducati aime se référer au MotoGP, c’est du WSBK qu’il s’agit ici. La Panigale vit donc comme une machine homologuée et bien que la plupart des Panigale soient utilisées sur circuit, Ducati a également accordé une certaine attention, par exemple, à une position de conduite « confortable ». C’est d’ailleurs la première chose que l’on remarque en s’asseyant sur la machine. La selle a été légèrement allongée, ce qui vous donne plus d’espace pour vous asseoir. On remarque aussi immédiatement la nouvelle forme du réservoir. Elle devrait offrir un meilleur soutien, en particulier lors des freinages brusques. Vous pouvez également mieux vous abriter derrière le carénage. Le nouveau réservoir offre plus d’espace, en particulier pour les avant-bras. D’origine, la Panigale est proposée logiquement en version monoplace. Néanmoins, pour satisfaire votre moitié, chaque Panigale est livrée avec un kit qui vous permet de convertir la machine en biplace en quelques minutes.
L’utilisation de l’embrayage devient une activité secondaire nécessaire
La sonorité du puissant V4 est très proche de celle de son prédécesseur, même s’il s’agit ici d’un système de silencieux totalement redessiné. Il est à nouveau placé sous le moteur. Si vous optez pour l’échappement racing complet en titane (au prix de 8 812 euros), les silencieux sont placés sous la selle. Vous obtenez alors le look des motos de course d’usine et vous disposez d’une puissance de 228 ch. L’embrayage à commande hydraulique, facile à utiliser, tourne dans l’huile et peut être parfaitement dosé. Une fois en mouvement, on peut parfaitement s’en passer, car le nouveau quickshifter est tout simplement époustouflant. Ducati ne travaille plus avec un capteur de pression sur la tige de changement de vitesse, mais mesure désormais la torsion du galet de changement de vitesse dans la boîte de vitesses. Il en résulte un lien beaucoup plus direct entre la boîte de vitesses et le sélecteur de changement de vitesse, ce qui se traduit par un fonctionnement extrêmement précis. Le quickshifter fonctionne parfaitement dans toutes les conditions. Même en rétrogradant avec les papillons de gaz ouverts. C’est étrange, mais cela confère presque à l’embrayage le statut d’un supplément nécessaire. D’autant plus que le nouvel ensemble électronique établit de nouvelles normes.
Un second cerveau
Les systèmes d’assistance à la conduite sont si nombreux qu’il n’y a pas assez de place ici pour les évoquer tous. Mais il est important de savoir qu’en développant la nouvelle Panigale, Ducati a accordé beaucoup d’attention à ce que l’on pourrait appeler la motricité. Pour les pilotes de course expérimentés, mais aussi pour ceux qui ne font qu’une journée de piste occasionnelle, la nouvelle Panigale devrait être une sorte de « booster de compétences ». Le DVO (Ducati Vehicle Observer) est complètement nouveau. Développé par Ducati Corse en MotoGP, ce nouveau système est comme un second cerveau qui vous aide à être encore plus performant sur la piste. En utilisant les données de dizaines de capteurs, le système estime les forces et les charges qui agissent sur la moto et partage cette estimation avec les données de l’IMU à 6 axes. Ensemble, ils transmettent ensuite le réglage optimal aux différents systèmes d’assistance à la conduite.
Freinage arrière autonome
Le premier est le tout nouveau Race eCBS. Il s’agit d’un système de freinage combiné qui utilise les données de l’IMU (désormais doté de 4 capteurs de pression au lieu d’un) pour optimiser la conduite en virage. Lors de l’utilisation du frein avant, le système applique de manière autonome une pression sur le frein arrière. Rien d’extraordinaire en soi, puisque la Ducati Multistrada, par exemple, est également équipée d’un tel système. La différence réside dans la manière dont le système est utilisé. Comme le font les meilleurs pilotes de MotoGP, le système utilise de manière autonome le frein arrière pour optimiser la trajectoire en virage. Tout le monde peut ainsi profiter d’un pilotage de haut niveau. Même après avoir relâché le frein avant, le système exerce une pression sur le frein arrière. Ce type de freinage en virage requiert normalement une montagne de talent, mais ce nouveau système eCBS le rend accessible à « tout le monde ». L’eCBS comporte sept niveaux de réglage, les cinq premiers étant destinés à une utilisation sur circuit et les deux derniers à une utilisation sur route. Au niveau 5, la fonction « Slide by Brake » peut également être activée.
Une bulle d’air
Aujourd’hui, nous testons la version la plus exclusive de la nouvelle Panigale, la V4 S. Elle se distingue de la V4 classique par ses suspensions Öhlins à commande électronique, des roues plus légères et, en partie grâce à cela, un poids inférieur de 4 kg (187 kg au lieu de 191 kg). Lors de la première séance, nous prenons le temps d’explorer la piste et d’utiliser les boutons haut et bas du guidon gauche pour faire défiler les différents niveaux du réglage choisi. Le nouveau tableau de bord, extrêmement clair, nous y aide. On remarque immédiatement que la nouvelle Panigale est différente du modèle sortant. Les repose-pieds sont un peu plus rapprochés, ce qui, associé à la nouvelle forme du réservoir, crée un sentiment d’unité encore plus grand avec la machine. La selle légèrement plus longue constitue également une nette amélioration. Combinée à une meilleure aérodynamique, elle permet de s’abriter derrière le pare-brise sur les portions rapides et de s’asseoir dans une sorte de bulle d’air à l’abri.
Un circuit exigeant
Les performances du moteur sont (une fois de plus) impressionnantes. Sur toute la plage de régime, la Panigale est solide comme un roc et l’accélération est incontestablement impressionnante. On ne remarque vraiment pas que le moteur est désormais conforme à la norme Euro 5+. Plus encore, nous sommes époustouflés par la facilité de conduite de la Panigale. Vallelunga est un circuit très exigeant, tant pour la machine que pour le pilote. Mais je ne peux pas imaginer un meilleur combattant que cette nouvelle Panigale. La facilité avec laquelle la machine se manie est étonnante. Il en va de même pour sa stabilité à haute vitesse. Mais la confiance que la machine donne en accélérant en sortie de virage ou en freinant extrêmement tard est d’un autre monde. Les nouveaux Brembo Hypure font un excellent travail, avec une puissance de freinage importante et parfaitement dosable.
Analyste de données personnelles
Il est clair que le nouvel ensemble électronique établit de nouvelles normes, même si cela ne se remarque pas beaucoup sur la machine elle-même. Ce n’est que dans le box des stands que l’analyste de données vous montre ce qui se passe pendant le run. En effet, notre machine est équipée de l’enregistreur de données optionnel développé en collaboration avec le spécialiste de la télémétrie et leader du marché 2D. Si vous envisagez d’acheter une Panigale, réservez un supplément de 1 210 euros pour ce système, car les informations envoyées directement de votre machine à votre ordinateur portable sans fil sont presque trop belles pour être vraies. Grâce au GPS intégré, vous voyez sur votre écran différentes courbes et d’innombrables autres données générées par les 70 capteurs de la Panigale.
Pris en flagrant délit !
Grâce à un nombre impressionnant de graphiques, il est possible de voir au centième de seconde ce qui se passe au guidon. Bien sûr, cela nécessite un certain nombre de connaissances. Après chaque session, notre analyste de données me montre où les choses vont mal, où elles pourraient être améliorées, quelles interventions électroniques ont eu lieu et bien plus encore. Il me montre qu’augmenter les gaz dans la tête n’est pas la même chose que dans la réalité. Il me surprend même à plusieurs reprises en train de relâcher l’accélérateur pour changer de vitesse et me montre immédiatement combien de temps ce genre d’erreurs vous coûte au tour. Ces informations vous font entrer sur la piste avec un sentiment différent, car les graphiques montrent que les capacités de la nouvelle Panigale sont bien plus grandes et qu’elle peut aller beaucoup plus loin. Complètement vidé, je range la nouvelle Panigale dans le box des stands après six séances. Quelle machine !
Conclusion
Lors de la dernière Race of Champions à Misano, tous les participants ont piloté cette nouvelle Panigale V4 S. Ils l’ont utilisée pour la première fois lors des essais libres. Pendant la course, Pecco Bagnaia a battu son propre record du tour de 2022 d’une seconde (1.35″051), soit seulement à 4 secondes des temps en course durant le MotoGP à Misano. Et voilà, tout a été dit. La nouvelle Panigale V4 coûte 27 990 euros. Pour la V4 S testée ici, il faut débourser 34 990 euros. C’est beaucoup d’argent, mais ce que vous obtenez en échange est tout à fait impressionnant. Une machine de course homologuée qui est si raffinée, si forte et si belle que nous pouvons parler sans exagérer d’une classe à part.
Photos: Ducati
Les + et les –
Les + : Direction et freinage fantastiques, facile à conduire, électronique facile à manipuler, moteur solide.
Les – : S’habituer à l’aspect du bras oscillant à double branche, plus d’excuses pour aller plus vite.
Données techniques
MOTEUR
Type: V4 à refroidissement liquide
Cylindrée: 1.103cc
Alésage x course: 81 x 53,5 mm
Taux de compression: 14:1
Embrayage: multidisque en bain d’huile, à glissement
Boîte de vitesse: 6 rapports
Transmission finale: par chaîne
PRESTATIONS
Puissance maximum: 216 ch @ 13.500 tr/min
Couple maximum: 120,9 Nm @ 11.250 tr/min
ÉLECTRONIQUE
Moteur: modes de conduite, Power Launch, Engine Brake Control
Partie-cycle: contrôle de traction, Slide Control, etc …
PARTIE-CYCLE
Cadre: de type “Front Frame” en aluminium
Suspension avant: fourche inversée Öhlins NPX 25/30 de 43 mm
Réglage: entièrement réglable électroniquement
Suspension arrière: amortisseur Öhlins TTX 36 (SV)
Réglage: entièrement réglable électroniquement
Débattements av/ar: 125/130 mm
Frein avant: deux disques de 330mm, étriers monobloc Brembo Hypure à 4 pistons
Frein arrière: un disque de 245mm, étrier à 2 pistons
Pneumatiques av/ar: 120/70 R17, 200/60 R17
DIMENSIONS
Empattement: 1.485 mm
Angle de chasse: 24°
Chasse: 98 mm
Hauteur de selle: 850 mm
Réservoir: 17 litres
Poids TPF: 187 kg (standard 191 kg)
PRIX
Panigale V4: 27 990 €
Panigale V4 S: 34.990 €