Essai nouveauté Kawasaki Z1100 SE : Uppercut
En général, on les voit venir de loin, les nouveautés, souvent à l’approche des salons européens. Mais il arrive parfois qu’une marque nous surprenne, comme un uppercut auquel nous ne nous attendions pas. La renaissance de la Kawasaki Z1000 sous le nom de Z1100 en est un exemple, d’autant plus que les Japonais proposent déjà une Z900 et une Z H2 dans leur catalogue. S’agit-il d’un modèle de remplacement ? Ou est-ce simplement une question de diversité ? Nous allons le découvrir lors d’un test automnal dans notre pays, près de Dinant.
Texte : Jelle Verstaen
Photos : Jarno van Osch & Manu De Soomer
Présent et passé
Avant même d’avoir débuté cet essai, nous obtenons déjà une réponse à la question cruciale posée ci-dessus. Kawasaki ne cherche pas midi à quatorze heures en faisant simplement de la place dans son catalogue entre la Z900 et la Z H2. Il est frappant de constater que le constructeur japonais ne place pas son moteur 1100 dans le cadre de la Z900, mais dans la partie cycle d’un modèle qui a disparu il y a cinq ans : celui de la Z1000. En 2020, cette dernière ne répondait pas aux normes Euro5 et a donc été reléguée aux oubliettes. L’entreprise semblait donc facile avec une partie cycle (cadre et suspensions) déjà développée et simplement remise au goût du jour. Et comme le quatre-cylindres 1100 venait d’arriver, un plus un font deux. Un mariage parfait entre le présent et le passé, où la nouvelle venue est clairement présentée comme la successeur de la Z1000.
Un pas en avant
Les suspensions, le cadre et les freins (sauf qu’ils ne sont pas de type wave ici) sont donc repris tels quels de la Z1000 d’antan. La fourche Showa SFF-BP UPSD de 41 mm entièrement réglable est identique sur la version standard et la variante SE (ne vous laissez pas tromper par les fourreaux dorés), tandis qu’à l’arrière, on trouve un mono-amortisseur horizontal. Sur la SE, ce dernier cède la place à un élément Öhlins S46, réglable en précharge et détente. Outre le moteur, l’électronique est peut-être la plus grande avancée. Équipée d’un système ride-by-wire et d’une centrale IMU, la nouvelle Z1100 bénéficie du système de gestion des virages de Kawasaki (KMCF), d’un contrôle de traction réglable et sensible à l’inclinaison, d’un ABS (KTRC & KIBS), de différents modes de puissance (Full et Low) et de conduite (Rain, Road, Sport, USER), d’un régulateur de vitesse, d’un quickshifter up/down et d’un écran TFT 5 pouces avec connectivité et commande vocale (en option). Le port USB, plutôt voyant, n’est disponible de série que sur la SE.
Style Sugomi renforcé
On ne peut guère qualifier la Z900 de frêle ou de menue. Mais si on la compare à la Z1100, le contraste fait ressortir ce genre de qualificatifs. De l’avant plus imposant, où le phare/tableau de bord est monté beaucoup plus bas, au cadre tubulaire en aluminium qui sert d’ossature, en passant par l’habillage et le pot d’échappement imposant, la Z1100 fait forte impression dès le premier regard. Avec sa gueule agressive, elle est prête à en découdre dès sa sortie de caisse. Par rapport à la Z1000, porte-drapeau du style Sugomi depuis 2014, le garde-boue avant et le saute-vent ont été renforcés, de nouveaux panneaux de réservoir font leur apparition et le support de plaque d’immatriculation a été considérablement réduit. Ajoutez-y une touche SE, et vous obtenez une couleur grise différente (la version standard n’est disponible qu’en noir) avec de superbes jantes vertes, des fourreaux de fourche dorés, un amortisseur arrière Öhlins S46, des étriers de frein Brembo M4.32 à quatre pistons avec durites renforcées. Un supplément d’une valeur de 1 800 euros, que nous avons le plaisir de tester aujourd’hui.
Meilleures sensations de conduite
Asseyez-vous dessus et vous sentirez immédiatement l’ergonomie améliorée. Le guidon est non seulement plus large (+22 mm), mais il est également légèrement plus avancé (+13 mm). Vous pourez ainsi négocier les virages plus facilement et la position de conduite penchée vers l’avant est mieux adaptée à vos genoux relevés. De meilleures sensations de conduite, sans aucun inconfort. La selle est bien rembourrée, le balancier d’équilibrage supplémentaire du moteur limite les vibrations au minimum absolu (à peine perceptible) et l’accès aux informations distillées par l’écran TFT de 5 pouces est parfait. Les leviers de frein et d’embrayage réglables (5 positions), sont prévus pour tous les types de conducteurs.
Gains et pertes
Nous connaissons déjà, depuis le début de cette année, le quatre-cylindres de la Z1100 grâce à la Versys 1100 et à la Ninja 1100SX : un moteur DACT à seize soupapes, qui a augmenté de 56 cm³ pour atteindre 1 099 cm³ (77,0 mm x 59,0 mm). Dans cette version, identique à la SX, à l’exception d’une différence de cartographie, il développe une puissance impressionnante de 136 ch pour 113 Nm de couple. Les conduits d’admission plus étroits (débit plus rapide), les arbres à cames axés sur une levée de soupape plus faible, le volant moteur plus lourd et la transmission révisée indiquent une orientation principale vers une utilisation à bas et moyen régimes. Si on le compare à la Z1000, la Z1100 gagne en couple, mais elle est légèrement en retrait en termes de puissance. Concrètement, les trois millimètres supplémentaires de bielle apportent un surplus de deux Newton-mètres, tandis que les normes Euro5+ (capteur O2 supplémentaire et catalyseur) réduisent la puissance maximale de 6 ch. Même après cinq ans d’hibernation, elle n’a pas pris un gramme : la Z1100 affiche, tout comme sa prédécesseur, un poids de 221 kg en ordre de marche.
Pas très chaud
Nous commençons notre essai routier sous un feuillage ocre qui inonde ausi bien le paysage que la route, alors que le thermomètre affiche pour l’instant une température dérisoire de 10 °C. Pas de nuages ni de risque de se geler les mains, mais suffisant pour enfiler une couche supplémentaire et garder la visière fermée toute la matinée. Heureusement, nous pouvons compter sur un combo qui fonctionne très bien : les Bridgestone S23 qui chauffent assez rapidement autour des roues vert vif de la SE, et le pack électronique complet avec contrôle de traction sensible à l’inclinaison comme l’ABS, grâce à l’IMU. Le mode de conduite passe immédiatement en Road (Full Power), le contrôle de traction en Mode 2 (sur les trois disponibles) – un compromis logique entre performance et contrôle. Nous ajoutons ainsi une touche de prudence, sans pour autant museler complètement la Z1100. Compte tenu du caractère docile du quatre-cylindres, cela n’est d’ailleurs pas nécessaire. Jouer soi-même avec le contrôle de traction, voilà l’idée.
En roulant sur des oeufs
Après quelques kilomètres d’échauffement, nous descendons, en roulant sur des oeufs, vers Houyet, un tronçon bien connu de tout motard qui se respecte. Kawasaki a sélectionné certains des virages les plus difficiles de cette route pour une séance photo impressionnante, ce qui n’est pas une mince affaire compte tenu des conditions glissantes. Heureusement, la Z1100 ne cause aucun stress supplémentaire. La réponse de la poignée d’accélérateur est parfaite, le moteur est puissant sans être trop imposant et les freins sont dosables. Comme nous nous arrêtons systématiquement entre chaque passage devant le photographe, il est important de faire monter la température des pneus avant d’aborder les virages. Il suffit donc d’accélérer fortement, puis de freiner brusquement… et de répéter l’opération avant de pousser la roue avant vers l’objectif.
La Z1100 se laisse faire. Pas de décrochages inattendus (grâce au KTRC qui intervient subtilement à plusieurs reprises) et, grâce à l’excellent retour d’information des Brembo bien secondés par l’ABS, nous ne nous retrouvons pas à terre. Nous abordons les virages à une vitesse plus élevée que d’habitude, afin de ne pas perturber la partie cycle en milieu de virage. Un réflexe, car le quatre-cylindres docile rend en fait ce comportement superflu. Mais cela caractérise bien la Kawa 1100 : si vous passez la sixième pour le plaisir et que vous freinez ensuite à environ 50 km/h, le moteur reprend sans à-coups une vitesse plus adaptée à ce rapport.
Sa véritable nature
Après un délicieux repas de gibier accommodé de chicons, le soleil a fait son apparition et le vent frais que nous maudissions encore ce matin a séché une grande partie de l’asphalte. Des conditions idéales pour pousser un peu plus fort la Z1100. Une fois la zone urbaine loin derrière nous dans les rétroviseurs (toujours les mêmes que sur la Z1000), la véritable nature de la bête se révèle. À partir de 6 000-6 500 tours, le quatre-cylindres rugit comme un fou, encouragé par le bruit de l’admission et de l’échappement. Rendre les sensations tangibles, c’est quelque chose que Kawasaki maîtrise toujours à la perfection. La façon dont le couple et la puissance sont transmis à la roue arrière est impressionnante.
Rugit sans pitié
La commande ride-by-wire est un modèle de souplesse. Dès plus bas régimes, à la moindre ouverture des gaz, jusqu’à mi-régime – à environ 6 000 tours – la réponse de la poignée d’accélérateur est limpide et parfaitement dosable, avec un moteur qui traduit chaque impulsion exactement comme vous le souhaitez. Si vous tournez encore plus la poignée de gaz, l’admission s’ouvre complètement et le quatre-cylindres rugit sans pitié jusqu’à bien au-delà de 9 000 tr/min et à des vitesses qui vous feront perdre votre permis plus vite que vous ne le pensez. Les discours publicitaires regorgent souvent de termes tels que « sensationnel » ou « addictif », mais dans le cas du quatre-cylindres de 1 099 cm3, ce n’est pas du tout exagéré. Je me surprends à sourire largement et à jurer inutilement dans mon casque à chaque accélération. Quel moteur incroyable ! Le quickshifter (up/down) ne fait que renforcer cette sensation : il change de rapport sans faute et aussi souplement que vous le souhaitez, avec juste assez de réactivité.
Pas de dégradation
La partie cycliste est également parfaitement adaptée à une conduite plus rapide : dans sa configuration standard, l’amortisseur arrière semble assez rigide lors des manœuvres lentes et sur les chaussées parfois très irrégulières, mais il prend toute sa dimension lorsque vous accélérez. Du freinage avant un virage à la stabilité dans celui-ci, en passant par l’accélération à plein régime : après quelques virages prudents, vous abordez ceux-ci avec de plus en plus de confiance. Stoïque, de la fourche au mono-amortisseur. Plus tôt dans ce test, nous avions déjà fait l’éloge de la finesse de réglage des Brembo. Et cette impression ne change pas pendant les 160 kilomètres restants de cet essai. Même si nous mettons à rude épreuve les quatre pistons radiaux avec une série interminable de freinages puissants, les performances, le fonctionnement et le retour d’information restent excellents. Aucune baisse de régime n’est perceptible.
Conclusion
Avec la Z1100, Kawasaki redonne vie à un modèle emblématique. Elle combine le caractère brut et le design Sugomi de la Z1000 avec une électronique moderne et raffinée, comblant ainsi parfaitement le vide entre la Z900 plus abordable et la Z H2 plus brutale. En d’autres termes, elle est beaucoup plus mature que la 900, sans avoir besoin d’un compresseur. Le moteur incroyablement puissant est un exemple parfait de souplesse et de performances, le châssis est parfaitement adapté à la puissance brute qui se cache entre ses tubes, et l’électronique est irréprochable. Présente (mais pas trop) et utile à tout moment. Notre appréciation des freins et suspensions, ainsi que la combinaison de couleurs très réussie, nous inciteraient à débourser 1 800 euros supplémentaires pour la SE. Tout bien considéré, la Z1100 est sans aucun doute une digne héritière de la famille Z avec ce retour en force.
Données techniques Kawasaki Z1100 SE
| MOTEUR | |
| Type | quatre-cylindres en ligne DACT à refroidissement liquide |
| Cylindrée | 1.099cc |
| Alésage x course | 77 x 59 mm |
| Soupapes/cylindre | 4 |
| Taux de compression. | 11,8:1 |
| Alimentation | injection électronique, quatre corps de papillon de 38 mm |
| Embrayage | multidisque en bain d’huile |
| Boîte de vitesses | 6 rapports |
| Transmission finale | chaîne |
| PRESTATIONS | |
| Puissance maximum | 136 ch à 9.000 tr/min |
| Couple maximum | 113 Nm à 7.600 tr/min |
| ÉLECTRONIQUE | |
| Moteur | Régulateur de vitesse, quickshifter, IMU, contrôle de traction réglable (3 réglages), modes de conduite, modes de puissance réglables (full/low) |
| Partie-cycle |
KCMF (Kawasaki Cornering Management Function), TFT avec connectivité, KIBS/ABS, USB-C
|
| PARTIE-CYCLE | |
| Cadre | tubulaire en aluminium |
| Suspension avant | fourche inversée Showa SFF-BP de 41 mm |
| Options de réglage | entièrement réglable |
| Suspension arrière | amortisseur Öhlins S46 |
| Options de réglage | précharge, détente |
| Débattement av/ar | 120/136 mm |
| Frein avant | deux disques flottants de 310 mm, étriers monoblocs à quatre pistons Brembo M4.32 à montage radial |
| Frein arrière | un disque de 260 mm, étrier simple piston |
| Pneumatique av/ar | 120/70ZR17, 190/50ZR17 |
| DIMENSIONS & POIDS | |
| Empattement | 1.440 mm |
| Angle de chasse | 24,5° |
| Chasse | 101 mm |
| Hauteur de selle | 815 mm |
| Poids TPF | 221 kg |
| Réservoir | 17 litres |
| PRIX | |
| À partir de | 13.999 euros |
