Essai nouveauté Triumph Speed Triple 1200 RS 2025 : Big Friendly Giant sous stéroïdes
Le temps dans le sud du Portugal est plus irrégulier que les intentions de l’actuel locataire de la Maison Blanche. Nous avons pu le découvrir il y a quelques semaines lors de la présentation à la presse de la Triumph Tiger 800 Sport. Hélas : autre présentation, même lieu, même temps pourri. Heureusement, cette-fois la présentation de la nouvelle Speed Triple 1200 RS se faisait sur deux jours. Une journée sur le circuit de Portimao et une autre sur la voie publique. En résumé : glissades et dérapages, sous le soleil et le déluge.
Texte : Jelle Verstaens
Ce qui frappe en premier
Si l’on observe la nouvelle Speed Triple 1200 RS de loin, on peut facilement la confondre avec sa devancière. De l’avant reconnaissable à un kilomètre, au cadre tubulaire en aluminium bien visible, en passant par le réservoir, la selle et les repose-pieds. Autant d’éléments que l’on retrouve sur la nouvelle sans modification. Mais l’œil exercé repère quelques nouveautés : l’amortisseur de direction Marzocchi réglable, le gros silencieux d’échappement, les roues redessinées et le capot de selle passager font partie du rayon des nouveautés. Nous risquons de nous répéter, mais ce rejeton d’Hinckley est également superbement fini dans les moindres détails : des décos sous une couche de vernis, à la finition des commandes, des leviers et des pièces fraisées. Génial.
Plus droit
Si vous passez une jambe par-dessus la selle, vous vous retrouverez assis plus droit sur la version 2025. Les repose-pieds et la selle étant exactement au même endroit, on trouve rapidement le responsable de cette modification de la position de conduite : le guidon n’est pas seulement un peu plus large (+10 mm de chaque côté), il est aussi monté 7 mm plus haut. Cela peut sembler minime, mais en pratique, cela permet de réduire la pression sur les poignets, tout en réduisant l’effort nécessaire pour braquer. Un bras de levier plus long, voilà l’idée. L’échappement, la batterie et les roues ont tous perdu des grammes, mais les nouvelles suspensions sont plus lourdes, de sorte que la nouvelle Speed Triple affiche 199 kilos sur la balance. Un de plus qu’auparavant. Le fait que quelques grammes soient gagnés sur les roues – c’est-à-dire de la masse en rotation – a poussé Triumph à ajouter un amortisseur de direction réglable, monté sous le phare.
La plus puissante de la famille
Le trois cylindres Triumph de 1 160 cm3 n’a pas besoin d’être présenté – après tout, nous l’avons déjà fait précédemment. Explications : ce gros trois pattes est essentiellement le même moteur que la Speed Triple 1200 RS précédente, mais avec quelques améliorations. Le vilebrequin a été rééquilibré pour une rotation encore meilleur, et la ligne d’échappement a été entièrement repensée, avec une circulation beaucoup plus libre des gaz d’échappement. Des ajustements qui ont été réalisés en partie à cause de la norme Euro5+, mais pas nécessairement pour cette seule raison. Ainsi, la Speed Triple gagne également trois chevaux, pour atteindre 183 ch à 10 750 tours de manivelle. Mais ces trois chevaux supplémentaires lui confèrent un titre spécial dans la gamme des moto d’Hinckley : la Speed Triple 1200 RS dépasse la Rocket 3 d’un demi sabot et est une fois de plus la plus puissante de la famille. Le couple maximal passe à 128 Nm (+3 Nm), mais le coup de poing est donné un peu plus tôt : à 8 750 tr/min au lieu de 9 000 tr/min.
Mousson
Triumph nous a permis de commencer l’exploitation de ces chevaux et Nm supplémentaires sur le légendaire Autódromo Internacional do Algarve, connu sous le nom de circuit de Portimao. Malheureusement, les Britanniques avaient apporté avec eux dans le sud du Portugal leur météo si typique : la pluie tombait à torrents, s’écoulant en gros ruisseaux sur le tarmac et inondant complètement des sections entières de la piste. Même si j’aimerais affirmer que j’ai amélioré mes temps au tour malgré la mousson, que j’ai enfoncé mon coude dans le tarmac humide à chaque virage et que j’ai réussi un wheeling sous l’eau à chaque sortie de virage, ma maman ne m’autorise pas à mentir. Vous devrez donc vous contenter de la vérité : la journée sur circuit a été un exercice d’équilibre éprouvant pour votre humble serviteur, avec plus de glissades que mon sphincter n’en supporte habituellement. Et les seules conclusions utiles que l’on peut en tirer concernent l’électronique, la gomme, les freins et la clémence du moteur.
Louable
Les pneus slicks prévus disparaissent brutalement dans le rack à pneus et les Speed Triples reçoivent un jeu de Pirelli Diablo Rain. Je règle le mode de conduite et l’antipatinage sur des paramètres très prudents – respectivement Road et Rain. Idéal pour la confiance, mais il n’est pas question de pousser et de sentir où les nouvelles suspensions font la différence. En revanche, j’ai appris à connaître et à apprécier le moteur (une fois de plus). Car malgré son potentiel monstrueux, la Speed Triple 1200 RS est essentiellement une moto remarquablement facile à piloter. Une marque de fabrique que le motoriste basé à Hinckley maîtrise à la perfection. La douceur du moteur, avec sa réponse initiale à la poignée d’accélérateur et sa montée en puissance douce comme du beurre et magnifiquement linéaire dès 1 000 tr/min, est digne d’éloges. Il en va de même pour l’augmentation exponentielle du régime et de la puissance à partir d’environ 5 500 tr/min jusqu’au rupteur à 12 000 tr/min. Un gargouillement délicieusement profond à plus de 265 km/h en ligne droite, avec deux doigts sur le levier de frein Brembo MCS, les étriers Stylema sont parfaitement dosés, et les virages sont négociés sur des oeufs, mais avec une grande précision.
Une grande confiance
La façon dont la Speed Triple vous guide à la sortie de chaque virage inspire une grande confiance : pas de réaction brutale à la moindre impulsion de la poignée d’accélérateur, juste une traduction prudente des données de votre poignet vers les corps de papillon. Le plein potentiel n’est libéré que lorsque vous le souhaitez vraiment. De plus, les pneus Pirelli ne sont guère sujets aux erreurs, le quickshifter remplit sa tâche – hormis quelques refus au rétrogradage – en toute sérénité, et l’antipatinage intervient si subtilement que je n’ai pu le remarquer que sur les images GoPro après coup.
Ce n’est pas une première, mais…
Cependant, la meilleure caractéristique de la nouvelle Speed Triple est révélée par les capuchons bleu vif des fourreaux de fourche. De loin, l’œil averti pourrait juste reconnaître les suspensions dorées Öhlins NIX30 et TTX 36, mais la troisième génération du Smart EC Öhlins est bien cachée. Triumph ne réalise pas une première mondiale avec ces suspensions semi-actives très élaborées, mais les concurrentes qui en sont équipées (Ducati Panigale V4 S, Honda CBR1000R-R Fireblade SP, MV Agusta Brutale 1000 RR) coûtent des milliers d’euros en plus. Les suspensions à commande électronique ne se contentent pas de surveiller et de gérer l’amortissement en compression et en détente dans toutes les conditions de conduite, mais grâce à l’OBTi (Objective Based Tuning Interface), le pilote peut également intervenir lui-même sur sept paramètres afin d’adapter rapidement et complètement les suspensions à ses goûts et à son style de conduite. Et ce, sans tournevis, simplement sur l’écran TFT via des commandes situées au guidon.
Carte blanche
Rigidité avant et arrière, appui au freinage, accélération, accélération initiale, en virage et à vitesse de croisière : vous déplacez chaque bouton du point mort à – ou + 5 et vice-versa. Si vous êtes un peu plus « vieux jeu », sachez que votre écran TFT vous permet également d’agir sur l’amortissement en compression et en détente (23 clics à chaque fois), à l’avant comme à l’arrière. Une fois que vous avez trouvé vos réglages, vous pouvez les sauvegarder dans l’un des trois modes « Fixed ». Ainsi, alors qu’habituellement on vous pousse dans les mains une moto avec un « réglage fixe » choisi par les ingénieurs de la marque, dans ce cas-ci, vous avez carte blanche.
Collante
À chaque arrêt photo, café ou repas, nous nous plongeons dans le menu pour ajuster certains paramètres de suspension. Même ceux qui ne sont pas du tout familiers avec l’aspect technique des suspensions – ou qui ont l’habitude de consulter un concessionnaire ou un spécialiste – peuvent expérimenter ce système jusqu’à ce que le châssis réagisse exactement comme ils le souhaitent. De l’agréable réglage Comfort le matin, à un réglage modifié et très rigide lorsque vous accélérez le rythme, ce système Öhlins haut de gamme se comporte bien au-delà des attentes et des besoins, tant sur la piste que sur la route. L’agilité de la direction est quelque peu tempérée par le réglage standard de l’amortisseur de direction, qui ralentit clairement l’action initiale de la direction. Une sensation légèrement « collante » – pas gênante, mais bien présente. Malgré tous les changements apportés aux suspensions pendant l’essai, une constante demeure : la Speed Triple ne se relâche jamais une fois en ligne. Plongez en toute confiance dans le virage et guidez-la le long de la corde vers la sortie avec la même assurance.
Des wheeling pour tous
Derrière l’écran TFT se cache un trésor d’électronique : des cinq modes de conduite à la quantité réglable de frein moteur, en passant par l’assistance au freinage, l’antipatinage sensible à l’inclinaison et l’ABS, le régulateur de vitesse, les feux de freinage d’urgence… Les possibilités de réglage sont presque infinies. Mon préféré, cependant, est le nouveau contrôle du soulèvement de la roue avant. En effet, il a fait l’objet d’une mise à jour substantielle : le système (avec l’aide de l’IMU) détermine non seulement si la roue avant décolle du sol, mais aussi à quelle hauteur exactement. Et c’est là que le plaisir commence, même pour un piètre conducteur en matière de wheeling comme votre serviteur. Vous choisissez d’abord le niveau d’intervention (de 1 à 4, de l’intervention maximale à l’intervention minimale), par exemple le un ou le deux, et – sans toucher à votre levier d’embrayage – vous pouvez ouvrir la poignée d’accélérateur d’un seul coup. Après quoi, la Triumph Speed Triple 1200 RS 2025 délivre un wheeling « sur mesure » et maintient la hauteur de la roue avant constante. Même en accélérant et en passant au rapport supérieur. C’est vraiment impressionnant à regarder, et encore plus quand on l’essaie soi-même. Certes, il faut faire confiance à l’électronique pour le réaliser une première fois, mais la récompense est à la hauteur.
Conclusion
Lorsqu’une marque de moto met à jour un best-seller de longue date, c’est le plus souvent en cherchant l’élément qui la rendra vraiment meilleure, on point que l’on envisage de l’acquérir. Sur le papier, il semblait que nous allions devoir sortir la loupe pour ausculter la Triumph Speed Triple 1200 RS 2025. La réalité, heureusement, est plus intéressante. La Speed Triple est peut-être plus puissante et son style légèrement plus affûté, mais pour l’essentiel, il est devenu encore plus facile de rechercher les chevaux et les newtons-mètres supplémentaires. La facilité inédite avec laquelle le gros trois pattes délivre sa puissance et son couple sur l’asphalte, la finesse du freinage, les suspensions et l’électronique encore améliorée signifient que vous pouvez rouler bien au-dessus de votre niveau en toute confiance. Mais cela ne fait pas seulement de vous un « meilleur pilote », cela vous permet aussi de mieux comprendre votre moto. Et vous finirez par être en mesure de la contrôler totalement, même sans le bagage technique. Ce qui ne fait qu’augmenter le plaisir de rouler et de jouer avec cette bête de course. Ce Big Friendly Giant sous stéroïdes vaut vraiment la peine qu’on lui consacre du temps et de l’argent.
Données techniques Triumph Speed Triple 1200 RS 2025
MOTEUR | |
Type | trois cylindres en ligne à refroidissement liquide, DACT |
Cylindrée | 1.160 cc |
Alésage x course | 90 x 60,8 mm |
Soupapes/cylindre | 4 |
Taux de compression | 13,2:1 |
Alimentation | injection électronique multipoint |
Embrayage | multidisque en bain d’huile, à glissement assisté |
Boîte de vitesse | à 6 rapports |
Transmission finale | par chaîne |
PRESTATIONS | |
Puissance maximum | 183 ch (134,6 kW) @ 10.750 tr/min |
Couple maximum | 128 Nm @ 8.750 tr/min |
ÉLECTRONIQUE | |
Moteur | 5 modes de conduite, quickshifter (up/down), ride-by-wire |
Partie-cycle | ABS sensible à l’inclinaison et antipatinage réglable, IMU, assistance au freinage, régulateur de vitesse, écran TFT, éclairage LED, feux de freinage d’urgence |
PARTIE-CYCLE | |
Cadre | double longeron en aluminium, cadre arrière en aluminium boulonné |
Suspension avant | fourche inversée Öhlins de 43 mm |
Possibilités de réglage | entièrement réglable électroniquement (SmartEC3 OBTi) |
Suspension arrière | mono amortisseur Öhlins RSU |
Possibilités de réglage | entièrement réglable électroniquement (SmartEC3 OBTi) |
Débattement av/ar | 120 mm / 120 mm |
Frein avant | deux disques de 320 mm, étriers Brembo Stylema à fixation radiale, OC-ABS, maître cylindre Brembo MCS |
Frein arrière | un disque de 220mm, étrier Brembo à deux pistons, OC-ABS |
Pneumatique av/ar | 120/70ZR17, 190/55ZR17, Pirelli Diablo Supercorsa SP V3 |
POIDS & DIMENSIONS | |
Empattement | 1.445 mm |
Angle de chasse | 23,9° |
Chasse | 104,7 mm |
Hauteur de selle | 830 mm |
Poids TPF | 199 kg |
Réservoir | 15,5 litres |
PRIX | |
Belgique | à partir de 20.295 € |