Essai comparatif: Suzuki V-Strom 800DE vs Honda XL750 Transalp

Si nous avions joué au bingo moto lors du dernier salon EICMA, la carte contenant les termes “suspensions à grand débattement”, “bicylindre parallèle”, “vilebrequin à 270°”, “comeback” et “roue avant de 21 pouces” aurait certainement donné un gagnant. Et à ce petit jeu à la Fiera Milano, deux marques japonaises auraient simultanément crié “BINGO !” : Honda, qui présentait au public sa toute nouvelle XL750 Transalp, et Suzuki, élevée au rang de phénix, qui sortait de l’ombre avec sa toute nouvelle V-Strom 800DE. Autant de similitudes n’est pas le fruit du hasard, mais quelles sont les différences entre ces deux motos et surtout, laquelle pourra vous séduire ?

Texte : Jelle Verstaen

La surprise

Commençons peut-être par la plus grande surprise des deux : Suzuki présentant une toute nouvelle moto. La marque semblait moribonde après plusieurs salons décevants et son retrait de la compétition. Néanmoins, à la fin de l’année dernière, les rumeurs enflaient concernant une nouveauté. Finalement ce n’est pas un mais deux modèles : les GSX-8S et V-Strom 800DE qui firent leur apparition sur base d’une nouvelle plate-forme. Avant même le premier essai, les éloges fusaient de toute part. Et ça se comprend, la V-Strom – qui a longtemps été la référence du moteur V-twin de la famille Suzuki – abandonne cette architecture au profit d’un bicylindre parallèle. De profil, la 800DE fait un clin d’œil appuyé à la DR : du bec de canard anguleux à l’angle entre la tête de fourche et le carénage au-dessus du réservoir, en passant par la partie centrale et le pare-brise court. Sans oublier l’hommage très réussi en termes de coloris, bien sûr. Du beau travail de la part de Suzuki.

Comme nous vous l’avions annoncé, Honda a également dépoussiéré ses standards. La livrée bleu-blanc-rouge du HRC, basée sur l’ancienne Transalp, associée à des jantes dorées est la garantie d’un regard approbateur de la part des passionnés de moto. Le tout aurait pu être un peu plus poétique pour se démarquer des autres remakes au parfum de désert – nous pensons à l’Aprilia Tuareg et à la Yamaha Ténéré 700,… Mais même ce clin d’œil au passé a également renoncé au bicylindre en V pour succomber au twin parallèle à 270°.

Les plus grands débattements jamais proposés

La Transalp arbore un bel écran TFT de cinq pouces avec connectivité (commande vocale Honda Smartphone, connexion via bluetooth pour la navigation, les appels ou la musique), quatre modes de conduite programmés et un mode utilisateur réglable (Rain, Street, Sport et Gravel, tous personnalisés en termes de réponse de l’accélérateur, de freinage moteur, d’antipatinage, de contrôle du wheeling et d’ABS). Suzuki propose également un écran TFT de 5 pouces assez clair avec des indications contextuels sur les technologies embarquées, le célèbre système Intelligent Ride de Suzuki (y compris l’antipatinage avec un réglage spécifique Gravel), l’ABS réglable, un indicateur de changement de vitesse, une prise de courant 5V, des feux à LED et le système Easy Start. Les protège-mains, le sabot-moteur et le pare-brise réglable sont de série, tout comme les suspensions réglables avec les plus longs débattements jamais proposés sur une V-Strom (2 x 220 mm !).

Plus d’euros

Nos motos d’essai sont dotées d’un certain nombre d’équipements supplémentaires. Par exemple, notre V-Strom 800DE reçoit des barres de protection (339 euros), un pare-brise surélevé (79 euros) et une béquille centrale (299 euros). Le prix de base passe ainsi de 11 499 euros à 12 216 euros. La Transalp, quant à elle, est livrée avec un jeu de crash-bars, des phares antibrouillard et une belle protection de radiateur (Adventure Pack, 972,01 euros), ainsi qu’un quickshifter up/down (300 euros). Pour la mettre sur un pied d’égalité avec la V-Strom, il faudrait encore ajouter le sabot-moteur (497 euros) et les protège-mains (34 euros). Ce qui fera passer la facture de 10.799 euros à 12.602,01 euros. Comparons ce qui est comparable.

Bien posé sur les semelles

Avec une hauteur de selle de 855 mm, on pourrait penser que la position de conduite est plus statutaire sur la V-Strom, mais d’emblée, ce n’est pas ce que l’on ressent. Les repose-pieds semblent montés un peu plus haut et incitent à plier un peu plus les genoux que sur la Honda. Le guidon est également plus large de quelques centimètres, ce qui fait que l’on se penche plus naturellement sur le réservoir, les coudes en avant avec une position légèrement offensive. Si vous essayez de manœuvrer la Suz à l’arrêt – pour la ranger par exemple – vous sentez immédiatement les kilos supplémentaires que la V-Strom embarque avec elle.

Malgré les débattements légèrement plus importants, la selle plus large et les millimètres supplémentaires en hauteur de selle, je n’ai pas l’impression de manquer de longueur de jambes pour m’appuyer fermement sur le macadam au guidon de la V-Strom. Avec la Honda, le mono-amortisseur arrière s’enfonce un peu au moment d’enfourcher la moto, si bien que les deux pieds sont immédiatement bien posés sur le sol. La selle est plus que confortable, le guidon tient bien en main et les bras et les genoux forment un triangle assez ergonomique.

Bande-son civilisée

Bien que les deux Japonaises soient équipées d’un bicylindre parallèle à 270°, certaines différences se font sentir au niveau du moteur. Par exemple, Honda utilise un alésage plus grand (87 contre 84 mm) et une course nettement plus courte (63,5 contre 70 mm) que Suzuki, avec un rapport volumétrique nettement inférieur (11:1 contre 12,8 : 1). Mais aussi quatre soupapes contrôlées par un seul arbre à cames – avec le système uni-cam – dans le cas de la Transalp contre deux arbres à cames en tête pour la V-Strom. Au final, Honda détient un surplus de 8 ch (92 ch contre 84 ch) avec 3 Nm de moins au niveau du couple (75 contre 78 Nm).

En pratique, le nouveau moteur Suzuki n’est peut-être pas un bicylindre en V, mais c’est un bijou en termes d’injection, de cartographie et de réponse à l’accélérateur. Ce twin de 776 cm3 développe son couple de 2 000 tr/min à plus de 9 000 tr/min, avec une plage de régimes moyens bien remplie – les régimes de 4 000 à 7 000 tr/min provoquent invariablement un grand sourire derrière la visière. La bande sonore grave qui l’accompagne reste toujours civilisée, et le quickshifter de série n’a rien à envier aux autres. Ce n’est qu’en rétrogradant que la Suz ose donner quelques secousses.

Chacune à son tour

Le twin vertical de la Transalp rugit également (grâce à l’admission et à l’échappement bien remplis, ainsi qu’au quickshifter optionnel) de manière bien linéaire dans les tours, passe les vitesses en douceur et se laisse facilement tenter par une petite levée de la roue avant sur les deux premiers rapports. Mais le moteur Honda a toujours un atout de taille dans sa manche : là où la V-Strom donne le meilleur d’elle-même aux alentours de 9000 tours, la Transalp en rajoute un peu jusqu’à 10 500 tours, où elle s’essouffle à son tour. Il est rare qu’une Honda sorte d’un test comparatif avec plus de caractère – mais celle-ci le fait.

D’ailleurs, lors des sprints, la Transalp était toujours invariablement un peu plus rapide au départ que sa concurrente, après quoi celle-ci la rattrapait à mi-régime, mais au final, la Honda l’emportait inexorablement. Avec un surcroît de puissance ET un étagement de boîte différent, c’était prévisible. Par contre sur le quatrième rapport, à moins de 2 000 tr/min et à 50 km/h – la V-Strom s’élance remarquablement plus vite, et elle crée un écart que la Transalp n’arrive jamais à combler.

Vibrations

Nous nous attendions à ce que Suzuki – avec ses deux arbres d’équilibrage – maîtrise au mieux les vibrations de son twin, mais en réalité, ce n’est pas tout à fait le cas. A partir d’environ 5 500 tr/min, le moteur envoie pas mal de vibrations vers les repose-pieds, le guidon et les flancs du réservoir. En termes de freinage, on peut noter un quasi-ex aequo : la Transalp et la V-Strom sont toutes deux freinées par des doubles pistons Nissin montés axialement et associés à deux disques de 310 mm à l’avant ; à l’arrière, la Transalp dispose d’un disque de diamètre supplémentaire de 16 mm, pour une configuration par ailleurs identique. Au toucher, la configuration légèrement plus axée route de la Transalp se traduit par un mordant un peu plus direct et un avant qui plonge moins vite que celui de la Suzuki, mais la différence est minime.

Comportement dynamique

Malgré leurs roues de 21 pouces, les deux machines sont très faciles à faire tourner. On remarque tout de suite l’angle de braquage important sur les deux motos : avec un pied sur le frein arrière, on peut facilement les inciter à faire demi-tour, même sur les routes les plus étroites. C’est un plaisir. Lors de telles manœuvres, on sent immédiatement que la Transalp est plus étroite, qu’elle nécessite un bras de levier moins important pour un changement de direction similaire, et le poids inférieur est clairement perceptible. En accélérant un peu, le surplus de poids (230 kg contre 208 kg) de la V-Strom 800 disparait comme neige au soleil. Car il faut bien l’avouer, les suspensions de la Suz sont d’un niveau supérieur à celles de la Honda. Sur la route, la V-Strom digère presque toutes les aspérités de la chaussée ou les dos d’âne avec le sourire, et la direction semble vraiment beaucoup plus légère que ce à quoi nous nous attendions.

En position debout, la V-Strom est facile à piloter, avec le réservoir bien calé entre les genoux et le guidon large suffisamment haut pour ne pas être complètement recroquevillé sur le pare-brise. Le débattement supplémentaire des suspensions et, bien sûr, les possibilités de réglage sont un plus par rapport à la Transalp. Cette dernière semble beaucoup plus fine entre les jambes, et même avec les énormes rehausseurs sous le guidon, on a toujours l’impression que le guidon pourrait être plus haut.

Mode Gravel

Sur la Transalp, la réponse de la poignée d’accélérateur en mode Gravel incite le témoin d’antipatinage à clignoter pour indiquer qu’il n’aime pas trop cela, mais la confiance est de mise. Les suspensions non réglables – sauf la précontrainte du ressort à l’arrière – avalent les routes de gravier occasionnelles avec le sourire, mais dans les nids-de-poule plus profonds, elles se heurtent rapidement à leurs limites. À l’arrière, par exemple, l’amortissement est beaucoup trop lent pour faire face aux coups de butoir successifs, ce qui vous fait automatiquement davantage rebondir. L’absence de protection des carters sur la version standard ne favorise pas non plus ce genre d’activité.

Par contre, c’est le cas sur la V-Strom, qui est équipée de série d’un sabot protecteur, et le sous-châssis boulonné (au lieu de soudé sur la Transalp) est également un atout si vous faites du tout-terrain. Les suspensions absorbent également tout ce qu’elles rencontrent en tout-terrain – elles travaillent parfaitement, tandis que vous restez bien stable à la barre. C’est ainsi qu’il doit en être sur une vraie moto de trail. Ni les Dunlop Trailmax Mixtour (Suzuki) ni les Metzeler Karoo Street (Honda) ne sont prévus pour le tout-terrain intense. Par contre, ils gèrent tous les deux une route de campagne ou une bande de gravier sans perte d’adhérence notable. Et surtout, ils sont tous les deux excellents sur l’asphalte.

Conclusion

En ce qui nous concerne, la Honda XL750 Transalp se rapproche plus d’une sport tourer sur échasses que d’une moto trail pur-sang – plus Tracer que Ténéré, pour faire le parallèle avec une troisième marque japonaise. En témoignent le moteur souple et puissant, le confort à bord, le freinage puissant et la belle tenue de route. Le manque de débattement, de garde au sol et de réglage des suspensions, ainsi que l’ergonomie clairement orientée vers la position assise, la poussent plus vers un usage routier que ses concurrentes actuelles.

Personnellement, j’aime le tout-terrain, c’est pourquoi je penche plus pour la nouvelle Suzuki V-Strom 800. Son design très élégant et ses couleurs réussies, sa facilité d’utilisation sur et en dehors du bitume, la qualité de ses suspensions réglables et la réactivité de son moteur sont autant d’atouts. Je n’ai pas besoin d’une puissance extravagante, je préfère les bonnes sensations d’une moto de moyenne cylindrée. J’accepte volontiers les points négatifs de cette moto tels que les vibrations, le poids supplémentaire et l’absence d’une bande sonore excitante.

Photos: Jarno Van Osch / Shot Up Productions

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