Essai side-car CJ 650 Dynasty : pourquoi pas !
Il est assez rare de pouvoir tester un side-car aujourd’hui. Ce véhicule de niche ne court pas les rues. Et seuls quelques fabricants en proposent dans leur catalogue. Alors, ne boudons pas notre plaisir. Et allons-y pour l’essai du CJ 650 Dynasty.
Si le side-car a connu son heure de gloire pendant l’entre-deux-guerres et dans les années 1950, il a été progressivement supplanté par l’arrivée de petites voitures économiques. Aujourd’hui on aperçoit de temps en temps ce drôle d’engin sur nos routes. Mais il se fait plutôt rare, et seuls quelques passionnés sont encore assez motivés pour utiliser ce véhicule atypique. Pour répondre à cette faible demande, il existe cependant une poignée de fabricants sur le marché. Le français Mash propose deux versions basées sur son petit monocylindre de 445 cm3 développant 21 kW. Le fabricant Russe Ural dispose de plusieurs modèles assemblés autour d’un flat-twin de 745 cm3 et 30 kW. Et enfin le chinois ChanJiang qui est importé depuis peu en Belgique avec deux modèles Dynasty et Pekin Express basés sur un bicylindre vertical de 41 kW. Ce qui en fait à ce jour, le side le plus puissant du marché.
C’est au milieu des années cinquante que le Chang-Jiang 750 – traduisez Yangzi Jiang ou encore Yan-Tsé-Kiang, le fleuve le plus long d’Asie – voit le jour. Il est basé sur le side soviétique M72 lui-même dérivé du BMW R 71 allemand de 1938. Au fil du temps, ce véhicule va évoluer jusqu’à ce que l’usine décide de le moderniser un peu en remplaçant le vieux boxer par un twin vertical plus moderne. Il s’agit du bicylindre de 649,3 cm3 à refroidissement liquide fabriqué par CFMoto qui équipe déjà les 600MT. Pourvu d’une culasse double arbre à cames commandant 8 soupapes, ce moulin développe donc une puissance de 55,7 ch – 41 kW – à 8 000 tr/min pour un couple de 65 Nm à 7 000 tr/min. A cela s’ajoute une boîte de vitesse à quatre rapports et une marche arrière.
C’est au siège de BW Import situé à Malines que nous avons rendez-vous avec la bêbête. Et nous ne sommes pas déçus car ce side a vraiment de la gueule. Il garde pratiquement le look de son prédécesseur avec ses deux selles montées sur ressort, des suspensions arrière au style coulissant et un panier qui ne déplairait pas au maréchal des logis-chef Cruchot. Et, cerise sur le gâteau, une fourche à balancier Earles trône à l’avant de cet attelage. L’aspect vintage est encore plus prononcé avec ce coloris noir brillant (il existe également en gris Silver). Question look, le twin vertical plus moderne se fond merveilleusement sous le gros réservoir de 20 litres. Les feux à LED tous ronds sont parfaitement intégrés à l’ensemble comme le tableau de bord encastré dans le phare avant.
Pour grimper sur ce CJ650, rien de plus facile. Un petit appui du pied gauche sur le repose-pied et hop, me voilà posé sur la selle à ressort à 780 mm du sol. Devant moi, un grand guidon avec barre de renfort et un cadran circulaire placé sur le phare. D’allure ancienne, il se compose d’un grand compte-tours analogique et d’un pavé LCD. Celui-ci regroupe la vitesse, le rapport engagé, la jauge à carburant et le kilométrage total. Il est possible remplacer l’odomètre par un trip partiel via un petit bouton poussoir caché sous le phare. Qui est vraiment difficile d’accès, pourquoi ???
Les commodos au demeurant classiques sont accompagnés à gauche par un interrupteur bien intégré pour les poignées chauffantes, un bouton pour les deux modes de conduite (économique et sport), un bouton pour les feux de détresse et un petit levier qui permet de déverrouiller la sélection de la marche arrière. A droite on remarque le grand levier actionnant le frein de parking. En parlant de levier, notons que l’embrayage comme le frein avant sont réglables en écartement. Il y a encore cinq grands voyants – cerclés de chrome – sur le devant du tableau de bord (clignoteurs, point-mort, feu de route et témoin moteur). C’est sous une pluie battante que nous démarrons cet essai en commençant par une cinquantaine de kilomètres sur l’autoroute A1 et le grand ring de Bruxelles. Pas vraiment l’idéal, mais nous n’avons pas vraiment le choix pour rallier le plus facilement possible notre logis.
Ce premier contact nous rappelle les deux principes fondamentaux de la conduite d’un side-car. Lorsque l’on accélère, ça tire à droite. Et lorsque l’on freine, c’est le contraire. Je suis surpris par le comportement musclé de ce bicylindre d’à peine 55 ch qui propulse facilement les 370 kilos de l’attelage ChangJiang à ajouter au poids de votre serviteur. La boîte de vitesse est parfaitement étagée pour profiter pleinement du couple disponible assez bas dans les tours.
Les lois de la physique restant intraitables.
Heureusement que la pluie et la circulation freinent mes ardeurs car il est possible de croiser allègrement au-dessus de la vitesse légale. Il y a aussi le comportement caractériel typique de ce type d’engin qui refuse obstinément de rouler droit. Il faut continuellement jouer avec le guidon pour contrer les dérives provoquées par le déséquilibre chronique du side. Les lois de la physique restant intraitables. La différence entre les deux modes de conduite (économique et sport) n’est pas flagrante.
Au bout de quelques dizaines de kilomètres on s’habitue finalement au comportement bizarre de ce véhicule et on relâche l’attention. Mais à la sortie de l’autoroute, le CJ650 se rappelle à notre bon souvenir. L’amorce d’un tout droit engendrée par mon inattention aurait pu se payer cash et je ne dois mon salut qu’à un ultime réflexe et à une bonne dose d’accélération qui instantanément remet l’attelage dans la bonne trajectoire. Ouf, mais l’alerte me servira de leçon. Petit conseil, prenez toujours le temps de vous initier à la conduite d’un side-car, avant de vous lancer sur la route avec ce genre d’engin. Il est temps maintenant de profiter un peu plus sereinement du ChangJiang.
Le confort est relativement bon grâce à la selle bien amortie par le ressort. La position de conduite est assez droite avec les jambes justes pliées comme il le faut. Question freinage, les trois disques sont commandés via la seule pédale de frein au pied. Pas d’ABS mais un système combiné qui fonctionne parfaitement. On oublie d’ailleurs qu’il y a un levier de frein avant au guidon. Je croise gentiment à 90 km/h sur la nationale qui relie Waterloo à Charleroi. Le moteur ronronne à 5 500 tr/min et pétarade un peu lorsque l’on décélère, c’est assez sympa et bien vintage. Bien entendu, je suis balloté de gauche à droite au gré des irrégularités du tarmac qui font osciller le panier. Un peu déroutant au début mais on s’y habitue finalement.
Les poignées chauffantes réglables sur cinq positions sont les bienvenues en cette fin de journée automnale où le soleil disparait déjà à l’horizon. Le tableau de bord avec son grand compte-tours analogique s’illumine sur un fond bleu reposant tandis que les informations du cadran LCD ressortent bien grâce à une lumière orangée plus intense. En tout cas, cet accessoire est bien visible. Le bicylindre fait preuve d’une certaine souplesse, car il est possible de rester sur le dernier rapport à 3 000 tr/min – pour ne pas se faire flasher au-delà de 50 km/h – et de reprendre ensuite sa route sans rétrograder. Par contre, n’essayez pas de maintenir le moteur sous les 2 000 tr/min. Ce n’est pas son truc.
A chaque passage d’un rond-point, je m’applique à décomposer les manœuvres car un side, ça ne tourne pas tout seul. Il faut s’imposer mais, en douceur. Les virages à gauche ne comportent aucun risque. Un petit coup de frein pour amorcer le virage et un bon coup de levier sur le guidon suffisent. A droite, c’est une autre paire de manche. Le risque de lever la roue du side – et de se retourner – est bien présent. Il faut bien évaluer la vitesse à laquelle on peut passer et entamer le virage avec une légère accélération. Si votre calcul est bon, ça passe sans soucis. Par contre, si vous arrivez trop vite … bardaf, c’est l’embardée. L’attelage se déséquilibre dangereusement au risque de se retourner et il ne vous reste plus qu’à tirer tout droit en espérant qu’il ne soit pas trop tard. Trêve de plaisanterie, la prudence reste de rigueur surtout si vous êtes peu expérimenté.
Rassurez-vous, à la longue, cette conduite atypique devient naturelle. Et c’est un réel plaisir de se balancer de gauche à droite au gré des virages en poussant sur le repose-pied du coté où vous tournez. Tout cela se passant bien entendu « à vide ». Car dès que vous embarquez un passager dans le panier, la donne change. Il devient beaucoup plus facile d’aborder les virages à droite. Notons qu’avec sa fourche Earles, le CJ750 est beaucoup plus stable qu’avec une fourche télescopique. La force de direction est fameusement réduite et on peut facilement jouer sur la précharge des ressorts. Cette fourche est également secondée par un amortisseur de direction réglable. Que demander de plus.
Concernant les aspects pratiques, le CJ750 bénéficie d’un beau coffre verrouillable dans le panier. On y accède en basculant le support de la roue de secours. Le siège du side est pourvu d’une ceinture de sécurité et à l’avant du panier, on retrouve des prises de courant (USB et allume cigare) ainsi qu’un voltmètre intégré. Par contre le bouchon du réservoir de carburant n’est pas monté sur charnière et le trip partiel bascule sur l’odomètre après chaque arrêt. La marche arrière est un véritable plus. Car manœuvrer les 370 kilos de l’attelage n’est pas une sinécure.
La marche arrière est un véritable plus.
On l’actionne facilement en basculant le petit levier au guidon et en appuyant sur le sélecteur au pied. La manœuvre s’accompagne d’un petit bip bip, comme sur un utilitaire. Bien vu et surtout bien entendu ! Durant cet essai, nous avons relevé une consommation moyenne de 6,2 litres au cent. Le réservoir d’une contenance de 20 litres, autorise donc des étapes avoisinant les 250 kilomètres. Notez que le dernier segment de la jauge à carburant disparait à partir de 200 kilomètres. Il est donc intéressant d’utiliser le trip partiel – à condition de l’avoir remis à zéro – pour estimer l’autonomie encore disponible.
Conclusion
Avec ce CJ 650 Dynasty, le constructeur chinois ChangJiang nous prouve qu’il est bien un spécialiste du side-car. L’adoption du bicylindre 650 cm3 d’origine CFMoto est une réussite totale. L’attelage est cohérent et bénéficie de nombreux équipements. ChangJiang propose également une seconde version baptisée Pekin Express. Celle-ci plus baroudeuse se caractérise par une peinture mate (sable ou kaki) ainsi que par des pneumatiques à crampons, des échappements noirs au même titre que le guidon, les rétroviseurs et les clignoteurs et des grilles de phare. Les deux modèles sont disponibles au même tarif de 16 990 euros.
Photos : Nathan Marin
Les + et les –
Les + : style, équipements, rapport poids/puissance, véhicule atypique, marche arrière.
Les – : quelques traces de rouille, encombrement.
Le side-car ChangJiang Dynasty en quelques chiffres
Moteur
Type : bicylindre 4T à refroidissement liquide, DOHC, 8 soupapes
Cylindrée : 649,3 cm3
Puissance maximum : 55,7 ch (41 kW) à 8 000 tr/min
Couple maximum : 65 Nm à 7 000 tr/min
Boîte de vitesse : à 4 rapports (+ MA)
Transmission finale : par chaîne
Partie-cycle
Cadre : double berceau tubulaire en acier
Suspension avant : fourche à balancier de type Earles, amortisseurs réglable en précharge
Suspension arrière : bras oscillant, deux amortisseurs KYB réglable en précharge
Suspension du panier : amortisseur KYB réglable en précharge
Frein avant : un disque flottant de 320 mm, étrier à 3 pistons, freinage combiné CBS
Frein arrière : un disque de 256 mm, étrier 1 piston, freinage combiné CBS
Frein sur panier : un disque de 256 mm, étrier 1 piston, freinage combiné CBS
Dimensions
Empattement : 1 475 mm
Hauteur de selle : 780 mm
Réservoir : 20 litres
Poids TPF : 370 kilos
Prix & infos
Tarif : 16 990 euros
Importateur : https://bwimport.be/fr/