Rencontre avec Bill Davidson

Harley-Davidson va bientôt fêter ses 120 ans d’existence. Les célébrations prévues à Budapest et à Milwaukee s’annoncent plus grandiose que jamais et, comme d’habitude, des centaines de milliers de fans du monde entier vont converger vers ces deux pôles d’attraction. En exclusivité pour le Benelux, nous avons pu rencontrer Bill Davidson – petit fils de l’un des fondateurs de la marque, chez lui, à Milwaukee.

Propos recueillis par Laurent Cortvrindt, envoyé spécial à Milwaukee – Photos Harley-Davidson

MotoJournal.be : Quel est votre état d’esprit à l’approche de ce nouveau cap ?

Bill Davidson : C’est un plaisir pour moi de superviser une marque telle que Harley-Davidson. J’ai toujours considéré notre musée comme une sorte de coffre aux trésors avec ses objets commémoratifs touchant aux motos et à leurs produits liés. C’est un musée d’histoires incroyables. Depuis les premiers jours, avec mon arrière-grand-père William A. Davidson et mes arrière-grands-oncles, qui ont véritablement construit leur rêve. Imaginez un peu la quantité d’histoires que notre entreprise a pu compiler en 120 ans d’existence. J’aime me souvenir des débuts de ces quatre amis. C’était réellement un rêve. Oubliez tout ce que vous savez sur Harley-Davidson aujourd’hui. Et imaginez-vous dans le petit jardin de mon arrière-arrière-grand-père, qui leur avait construit une remise en bois. Ils ne savaient évidemment pas ce qui allait arriver. Car ils ont débuté avec des moyens très modestes.

En fait, leurs réserves financières étaient déjà épuisées en 1904. L’année qui a suivi la sortie de la première moto de la remise. Dans notre musée, nous exposons d’ailleurs un chèque de 170 $, accordé par un membre de la famille qui habitait les environs. Cette somme, importante pour l’époque, a permis aux quatre fondateurs de poursuivre leur rêve. Au cours des premières années, ils ont pu bénéficier de ces petits coups de pouce indispensables. Mais ils ont aussi pris des décisions intelligentes. Si cela n’avait pas été le cas, où seraient-ils arrivés ? Nul ne le sait…

120 ans d’histoire, c’est tout, sauf un long fleuve tranquille…

Ce que je trouve également extrêmement fort au sujet de nos fondateurs, c’est qu’ils ont tous apporté leur propre expertise. Ensemble, ce quatuor formait une équipe très performante. Et ils étaient tous persuadés de leur réussite. Cela transparait clairement à travers les épreuves rencontrées aux débuts. Et puis, la concurrence était rude ! On ne s’en souvient pas toujours, mais à une époque, on dénombrait quelque 150 constructeurs de motos aux États-Unis ! Certains, notamment à Milwaukee, ne fabriquaient qu’une douzaine de motos par an. Mais d’autres, comme Indian, étaient très importants. Quel voyage ce fut, ensuite, pour traverser la première et la seconde guerre mondiale, la crise économique des années 30, la vente à American Machine and Foundry et le rachat…

Au-delà du constructeur de moto, votre nom est devenu un symbole…

Souvent, les gens me demandent de leur expliquer ce qu’est Harley-Davidson. Avant tout, c’est une aventure unique dans l’histoire de la moto. Notre marque a été fondée dans la passion. Nous comptons plus d’un demi-million de membres HOG dans le monde. Des gens tatouent notre nom sur leur peau. C’est un style de vie unique lié à notre marque, et nous en sommes très honorés. Nous apportons notre modeste contribution à ce style de vie, en faisant en sorte qu’il puisse continuer à grandir. Le « ticket d’entrée » dans notre marque, c’est la passion de la moto, tout simplement. Ensuite, il en va de notre responsabilité d’offrir des expériences à nos clients, des rallyes, des HOG… pour que nos fans des quatre coins de la planète restent engagés dans ce monde. Leur monde. Plus nous leur offrons, plus ils roulent. Et plus ils roulent, plus ils se rendent chez un dealer pour du service, des accessoires, des vêtements… C’est un modèle très puissant. Avec les passionnés de Harley-Davidson, je peux aller en Europe, en Chine, en Australie… et partout, je me sens chez moi.

Que pouvons-nous attendre du futur pour Harley-Davidson ?

Mon père vient de prendre sa pension. Aujourd’hui, il peint des aquarelles. Il a beaucoup de talent. Il a toujours dessiné des concepts. Sur des serviettes pendant des réunions. Au dos de documents de travail. En dessinant avec sa petite-fille… L’inspiration pouvait venir n’importe où, n’importe quand. Certaines motos ou des logos ont d’ailleurs été développés sur base de ses idées. Ces histoires que je partage avec vous expliquent, en partie, pourquoi notre histoire et notre marque sont devenues si fortes. Ces choses si uniques ne s’en vont pas, elles ne disparaissent pas. Comme notre philosophie. Nous continuerons à rester proches de nos clients. Nous continuerons à rouler avec eux. Pendant 120 ans, nous avons appris ce qu’il ne faut pas faire en tant que constructeur de motos.

Et même après 120 ans, nous continuons à viser l’excellence. Car le travail n’est jamais terminé. La technologie, l’innovation, l’ingénierie, l’électronique… changent sans arrêt. Donc vous aussi, vous évoluez constamment. Et je pense sincèrement que nous serons encore là dans 120 ans. Des gens vivent et respirent Harley-Davidson. Certains clients se mettent à pleurer quand ils franchissent les portes de notre musée. Pour eux, c’est un sanctuaire. J’ai rencontré des gens du monde entier qui venaient jusqu’à Milwaukee pour visiter le musée Harley-Davidson. Quel dévouement. Je pense donc que notre futur repose sur des bases solides. Nous développons nos modèles électriques, nous venons d’intégrer le segment des trails… Forts de ces succès, sur de nouveaux marchés, nous continuons à apprendre.

LiveWire et Harley-Davidson sont désormais deux marques distinctes. Pourquoi ?

La raison principale de cette séparation est très simple. De la sorte, les deux marques LiveWire et Harley-Davidson peuvent recevoir les ressources nécessaires et dont elles ont besoin pour la création, la conception et la production. C’est beaucoup plus simple quand tout est séparé. Les personnes impliquées dans chaque projet le sont à 100%. Elles ne doivent pas partager leur temps de travail ou leur créativité entre les deux. Elles se consacrent pleinement à LiveWire ou à Harley-Davidson.

Vous avez toujours travaillé pour Harley-Davidson. Vous ne vous êtes jamais imaginé ailleurs ?

Mon autre grande passion, c’est le ski. J’ai la chance de pouvoir me rendre régulièrement à Whistler pour m’adonner à la descente, c’est ma discipline préférée. Certainement parce qu’elle me rappelle la moto. J’ai pu commencer à skier quand j’étais enfant, grâce à ma mère. Mais pour ce qui concerne la carrière professionnelle, je n’ai jamais été forcé par quiconque à rejoindre Harley-Davidson. Au contraire, ce fut un honneur de travailler non pas “pour” mais “avec” mon père. Mes parents nous ont toujours encouragés à poursuivre nos rêves. Et comme je suis tombé amoureux de la moto à l’âge de 7 ans, ce fut un chemin naturel. Durant notre enfance et notre adolescence, nous n’avions pas réellement conscience de l’importance de l’entreprise familiale. Ensuite, avec l’âge, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus. Vous pouvez imaginer l’ambiance qui régnait lors des grandes réunions de famille… (rires)

Si vous deviez choisir une moto, laquelle prendriez-vous ?

C’est une question difficile. Vraiment très difficile… J’ai fait de la compétition en motocross et en off-road. Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que je possède  une KTM EXC450. Et j’adore cette moto. Au sein de la gamme Harley… c’est encore plus compliqué de choisir. Mais si j’étais réellement obligé de n’en citer qu’une, alors ce serait la Serial Number One. Parce qu’elle représente le début de toute l’histoire et de l’incroyable odyssée Harley-Davidson. Et quand j’ai pu rouler dessus, ce fut un immense honneur. Quelle vie dans ce moteur !

Pensez-vous que le moteur Evolution pourra perdurer ?

Oui, encore très longtemps. La technologie actuelle est exceptionnelle. Au fil des années, la cylindrée a augmenté, la puissance et le couple également. Et malgré tout, nos motos se montrent de plus en plus économes en carburant, avec un moteur plus souple. Cela nous incite à continuer à perpétuer le moteur V2.