Test: Bimota Tesi H2

Une conjonction. C’est ainsi que les astronomes décrivent le moment très rare où plusieurs planètes s’alignent par rapport à la Terre. Beaucoup de pièces du puzzle se mettent en place à un moment bien défini. Un sentiment similaire nous a envahis récemment, lorsque soudain une invitation de Bimota est arrivée dans notre boîte aux lettres. Aimerions-nous conduire la Tesi H2 sur le circuit de Modène ? On a rarement répondu aussi vite à une invitation. 

L’avantage d’un tel test hyper-exclusif est que les places sont également très “chers”. Quatre journalistes figuraient sur la liste des invités pour cette journée, et ils ne sont même pas arrivés sur le champ de bataille en même temps : l’Autodromo di Modena nous est réservé toute la journée, avec une matinée entière sur la Tesi H2, et l’après-midi est réservée à l’essai de la KB4 – nous y reviendrons plus tard. Au total, chacun des journalistes présents dispose d’une heure sur la piste le matin, répartie en deux tranches d’une demi-heure.

Entre les séances de conduite, Bimota a prévu des ateliers avec Pierluigi Marconi (PDG de Bimota) et Gianluca Galasso (son bras droit, pilote d’essai ainsi que responsable du marketing de la marque). Deux des 12 membres de l’équipage actuellement de Rimini – les 10 autres travaillent aujourd’hui dans le box des stands. Ce qui donne immédiatement à la marque une impression très sympathique : tout et tout le monde est accessible, vit et travaille à Rimini – la plupart d’entre eux ont connu plusieurs faillites, mais sont toujours restés “fidèles” à la marque. Sympa, les gars. 

Chef-d’œuvre mécanique

Le tapis rouge n’est d’ailleurs pas simplement déroulé de manière proverbiale : les deux Tesi H2 que nous avons le plaisir de tester aujourd’hui – l’une en couleur carbone, l’autre tricolore – sont alignées sur l’une de ces surfaces rouges, à côté d’une autre équipée d’un échappement de course en titane de chez Arrow. Ce dernier est fourni de série à l’achat de votre Tesi H2, il permet de gagner 14 ( !) kg sur le poids total, fournit 3 ch supplémentaires et se voit attribuer le même numéro de série unique que la moto elle-même. Nous ne pourrons pas tester la moto équipée de cet échappement aujourd’hui, mais c’est le moindre de nos soucis. La tension monte au moment de nous attribuer notre moto : je reçois l’exemplaire numéro 089 des 250 motos prévues, mon collègue prend place sur la numéro 002. Sur les 250 unités, 150 ont déjà trouvé un acquéreur, malgré le prix élevé. TVA incluse, vous pouvez vous en offrir une pour 64 733 euros. 

Cela semble un peu excessif mais vous ne serez pas déçu. A ce tarif, vous bénéficié du moteur Euro4 le plus puissant ( !) du marché – le quatre cylindres suralimenté de 998 cm3 de la défunte Kawasaki Ninja H2, qui développe 231 ch à 11 500 tr/min et 141 Nm à 11 000 tr/min. Le châssis se compose d’une direction par moyeu directeur, de roues OZ forgées, de deux unités Öhlins TTX 36 entièrement réglables (une pour l’avant, l’autre pour l’arrière), de carénages et d’un réservoir d’essence entièrement en carbone, d’une liste interminable de pièces en aluminium usinées par CNC, jusqu’à la peinture appliquée à la main.

Outre le moteur, Kawasaki fournit également le système d’admission et d’échappement, le faisceau électrique complet, l’éclairage, l’ECU et toute l’électronique. Il s’agit notamment du ride-by-wire, de trois modes de conduite (Sport, Route et Pluie), d’un shifter avec autoblipper, d’un contrôle de traction réglable (neuf niveaux), d’un frein moteur réglable, d’un contrôle de démarrage, d’un ABS en virage, d’une centrale Bosch IMU et d’un amortisseur de direction Öhlins à commande électronique. Chaque composant du moteur a été homologué à l’avance – un immense atout pour une firme qui, par le passé, achetait ses blocs moteurs en caisses auprès des marques, et devait ensuite s’occuper elle-même de l’électronique et du câblage. Chaque Tesi H2 reçoit une plaque d’identification et la signature des deux mécaniciens qui l’ont construit : un pour le moteur et le châssis, l’autre pour l’habillage. 

Sifflement rauque

Comme mentionné, Kawasaki est responsable de tout ce qui sert à l’homologation : de l’admission à l’échappement, en passant par le bloc et l’électronique jusqu’au tableau de bord. Ce qui nous permet, dans un accès de nervosité, d’évoluer en terrain connu. Nous connaissons déjà les différentes commandes et le tableau de bord grâce à un précédent essai de la H2 SX, et notre regard se pose immédiatement sur le réglage du KTRC (traction control). De quoi permettre d’optimiser le bon réglage car nous allons rouler avec des Bridgestone S22 tout neufs montés sur cette fusée à deux roues.

Une fois grimpé sur la selle placée à 840 mm du sol (standard, réglage excentrique non affecté), je m’appuie fermement sur le macadam avec la plante des pieds. C’est un peu difficile pour mes petits bras d’atteindre les guidons bracelet, alors que mon corps peut se reposer sur le réservoir bosselé. La selle plutôt longue permet une grande liberté de mouvement, ce qui est un atout lorsque l’on évolue à grande vitesse, et dans les encoches du réservoir, mes genoux peuvent invariablement trouver de l’espace et de l’adhérence lors des freinages et en virage. Top. La Tesi s’offre à vous en vous dévoilant le haut de son moteur et une large section de son carénage avec les immenses winglets. Bon c’est pas tout ça mais nous sommes venu ici pour rouler. Une pression sur le bouton de démarrage provoque un sifflement rauque du moteur suralimenté, et la moindre rotation de la poignée de gaz fait grimper le régime et le rythme cardiaque vers la zone rouge.

Brutale

Je ne suis pas encore sorti de la pitlane, que je remarque que la Tesi H2 a une réponse à la poignée d’accélération plutôt brutale. De la fermeture à l’ouverture prudente, elle s’accompagne immédiatement d’un hoquètement qui perturbe votre position de conduite. Pas désastreux en ligne droite, mais carrément difficile en virage où il faut se concentrer pour tenir correctement la trajectoire prévue. Je perds la corde virage après virage, tandis que je commence à rouler sur des trajectoires de plus en plus larges. Le “coupable” est rapidement trouvé, lorsque je vérifie le mode de conduite qui est réglé sur ‘Sport’ – ce qui n’est pas du tout mauvais vu le contexte dans lequel nous roulons. Mais qui n’est peut être pas le plus souhaitable avec des pneus neufs non rodés, sur un circuit très petit et sinueux qui m’est complètement étranger.

J’ai peut-être déjà regardé toute une série de vidéos concernant la conduite sur ce circuit, mais la réalité est un peu différente. Surtout quand vous savez combien coûte ce que vous avez sous les fesses. De plus, les Bridgestone S22 qui, notez bien, sont en tête de ma liste de pneus pour une utilisation sportive – ont du mal à résister au martèlement de la Kawa. Alors, passage en mode Rain pour cette première prise de contact. Mais cela ne donne pas immédiatement l’effet escompté : avec ce mode, le moteur vous fait attendre un peu plus longtemps pour monter en régime, ce qui fait que vous passez les virages à un rythme d’escargot et que la Tesi H2 a une légère tendance à s’enfoncer. Merde. 

Préparez-vous

Durant les tours suivants, je m’applique à gérer ce comportement particulier, mais rien ne semble être adéquat pour dompter cette poignée d’accélérateur. Il est vrai que cette machine n’est pas conçue pour se frayer un chemin dans l’agglomération, ni pour se faufiler dans la circulation urbaine. Mais un affinement des réglables serait le bienvenu – comme c’est le cas sur les Ninja H2 ou H2 SX, par exemple. Il suffirai de paramétrer différemment l’injection ou de mettre à jour la cartographie dans l’ECU. En tant que tels, ces composants hérités de Kawasaki sont inchangés, c’est pourquoi je suis particulièrement surpris qu’il y ait une telle différence. Lorsque j’arrive à la moitié de la session et que j’explique mes problèmes aux ingénieurs présents, ils acquiescent, après quoi on me conseille de toujours choisir un rapport supérieur à celui que le virage en question exige. 

La bombe nucléaire

Une tactique qui semble fonctionner à merveille, car le moteur a aussi beaucoup de couple en plus de la puissance disponible : avec 141 Nm, vous êtes rarement à court, et même dans les bas régimes, ce moteur suralimenté est vraiment très fort. Non, réaliser le meilleur temps au tour ne m’arrivera pas avec cette technologie. Mais ça n’a jamais été le but avec ce moteur exclusif. Les longs virages passent directement en troisième, les virages serrés qui devraient être négociés en première passent en seconde. Tout comme le onzième et dernier virage. Après quoi on peut ouvrir en grand pour déchainer les enfers, dans la ligne droite de 477 mètres – qui est un peu courte – car je peux à peine passer deux rapports avant de devoir freiner.

Ce n’est qu’à 14 000 tr/min que l’on se retrouve dans la zone rouge. Avec la vitesse à laquelle le 998 cm3 avec compresseur vous propulse vers une autre planète, il y a de quoi devenir dingue Par conséquent, j’ai à peine enclenché le quatrième rapport que, à 225-230 km/h, je me retrouve en détresse au bout de la ligne droite. Je dois taper dans les Brembos avec le nez de la moto qui ne s’incline que très légèrement mais fait ralentir la Tesi H2 avec une puissance de freinage phénoménale. 

Étrange mais vrai : tour après tour, je remarque – malgré la zone de freinage très limitée et décroissante – que j’aurais pu facilement forcer la Tesi H2 à freiner plus tard. Et, par la même occasion, à rentrer sans se poser de question sur les freins dans le premier virage. Une sensation bizarre, et un atout qui peut être largement mis au crédit de la direction à moyeu directeur.

Pourquoi pas une fourche normale ?

Mais pourquoi Bimota opte-t-il désormais pour un bras oscillant à l’avant au lieu d’une fourche avant standard ? Le problème des fourches avant conventionnelles (et UPSD) est qu’elles assument de multiples tâches : les changements de charge lors de l’accélération et du freinage affectent la suspension et l’amortissement, de même que dans les virages, où l’ensemble du système doit assumer la ligne directrice , sans oublier la flexibilité des matériaux eux-mêmes.

Le bras oscillant avant avec direction par moyeu de Bimota offre une solution toute prête : le système sépare le freinage, la direction et l’amortissement, permettant à chaque fonction de faire son travail séparément, sans affecter les autres. Chaque force agissant sur l’avant – suspension/amortissement, accélération/freinage, direction – est dotée de son propre chemin de charge direct. La connexion la plus directe entre le moteur et les roues”, c’est ainsi qu’on appelle ce concept à Rimini. Et il n’y a rien de faux là-dedans.

Sensation de conduite constante

En effet, à l’endroit où se trouve normalement le monoamortisseur qui contrôle le bras oscillant à l’arrière, la Tesi H2 dispose de deux amortisseurs Öhlins TTX36 montées parallèlement côte à côte. L’un amortit l’arrière, tandis que l’autre remplace la fonction de suspension de la fourche avant, par le biais d’une biellette que vous voyez sur le côté gauche de la moto, qui va des repose-pieds au point de montage sur le bras oscillant avant. Elle se compose de deux parties en aluminium billettée, collées ensemble par une pièce intermédiaire en carbone. La rigidité supplémentaire du carbone garantit que la rigidité de la moitié gauche du bras oscillant – le côté sur lequel l’amortissement est connecté – est également maintenue dans la moitié droite. Un peu compliqué à comprendre, je vous l’accorde.

La direction est à son tour assurée par une construction de trois bielles et deux points de pivot cachés par le carénage (à l’exception de la fixation à la tête de direction elle-même, et de l’extrémité de la biellette de direction au sommet du moyeu). Sur la photo ci-dessous, il s’agit de la tige supérieure, qui est reliée au moyeu juste à côté de l’étrier. Ainsi, la roue avant peut tourner à gauche et à droite jusqu’à 30° autour de son moyeu. Nous l’avons brièvement mentionné plus haut, mais cette division permet de s’assurer que le comportement de la direction n’est pas affecté par le freinage ou par les mouvements de ressort.

Cela a également permis à Bimota d’opter pour des ressorts beaucoup plus souples, qui absorbent pratiquement toutes les bosses sans sacrifier le confort ou la stabilité. Sur une moto normale, la chasse varie en fonction du mouvement de la fourche qui oscille de haut en bas sous l’influence de l’accélération et du freinage. Sur la Tesi H2, ces valeurs restent identiques, ce qui vous donne une sensation de direction très constante. Que vous souhaitiez vous promener en ville ou vous tirer la boure sur un circuit. 

Le bloc moteur comme cadre

Comme la suspension n’est pas reliée au guidon lui-même, Bimota n’a pas eu besoin d’une colonne de direction imposante. Même le cadre lui-même a été autorisé à se faire la malle : le bloc moteur ne sert pas seulement de structure porteuse supplémentaire, il est tout simplement le cadre. Hormis un petit sous-châssis avant pour le montage du carénage, du guidon et des pivots nécessaires, le reste est boulonné au bloc Kawasaki H2 via quelques supports. Un autre avantage est le gain de poids remarquable : nous avons pu facilement soulever l’ensemble du bras oscillant avant d’une seule main. Ce qui, avec un poids total (moyeu inclus) de 3,8 kg, ne devrait pas être surprenant. 

Que des avantages, alors ? Eh bien, pas tout à fait. D’une part, il y a évidemment les coûts de production plus élevés : La direction à moyeu de Bimota est une pièce d’artisanat unique dont il n’existe pas de milliers d’exemplaires. De plus, la construction spécifique en aluminium et en carbone coûte pas mal d’argent. Mais nous pensons que l’acheteur lambda d’une Tesi H2 ne se soucie pas de cela. Un ensemble d’articulations entraîne inévitablement un certain jeu, qui se traduit par une sensation de direction moins précise. Et la complexité de l’ensemble signifie qu’il ne suffit pas de se rendre chez le bricoleur du coin pour prendre un café et faire réviser le tout…..

Conclusion

Prenez le moteur le plus puissant (Euro4) du marché, créez une suspension de rêve, sculptez un carénage à l’aide d’une grande quantité de carbone qui est digne d’être exposé dans un musée, sculptez les autres pièces dans de solides blocs d’aluminium et vous obtenez un résultat tout à fait impressionnant. Notre liste de superlatifs est insuffisante pour la Bimota Tesi H2, à presque tous les niveaux. Bien que les gars de Rimini aient encore du travail à faire sur la réponse à l’accélération, un choix de pneus encore plus sportif est probablement la meilleure solution. Même si vous êtes le genre de propriétaire chanceux qui ne souhaite que parquer ce chef-d’œuvre dans son salon ou dans un coffre fort.

Données techniquesBimota Tesi H2
MOTEUR
TypeMoteur quatre cylindres en ligne, à refroidissement liquide, DOHC
Cylindrée998 cc
Alésage x course76 x 55 mm
Soupapes/cylindre4 soupapes
Taux de compression8.5:1 (avec compresseur)
Alimentationinjection électronique
Embrayagemultidisque en bain d’huile
Boîte de vitesseà 6 rapports
Transmission finalepar chaîne
PRESTATIONS
Puissance maximum231 ch à 11.500 tr/min
Couple maximum141,7 Nm à 11.000 tr/min
ELECTRONIQUE
MoteurRide-by-wire, mode de conduite (Sport, Road en Rain), quickshifter avec autoblipper, launch control
Assistance-ABS-Bosch, contrôle de traction (9 niveaux), IMU (Bosch), Amortisseur de direction à commande électronique (Öhlins)
PARTIE-CYCLE
CadreMoteur comme structure porteuse
Suspension avantBras oscillant avec amortisseur Öhlins TTX 36
Options de réglageEntièrement réglable (précharge du ressort, amortissement en compression et en détente)
Suspension arrièreBras oscillant avec amortisseur Öhlins TTX 36
Options de réglageEntièrement réglable (précharge du ressort, amortissement en compression et en détente)
Débattement av/ar100 mm / 130 mm
Frein avantDeux disques de 330mm, Brembo Stylema étriers radiaux 4-pistons
Frein arrièreUn disque de 220mm , Brembo étrier 2-pistons
Pneumatiques av/ar120/70-17, 200/55-17
POIDS & DIMENSIONS
Empattement1445 mm
Angle de chasse21,3°
Chasse117 mm
Hauteur de selle840 mm (+-10 mm)
Poids214 kg (TPF)
Réservoir17 litres
PRIX & INFO
Prixà partir de 64 733 euros
ImportateurBimota
Site webhttps://bimota.it/?lang=en

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