Motards par passion, mais aussi et surtout par fonction !
Ce premier mai 2025 était pour moi l’occasion de renouer contact avec la Police Militaire Belge au cours de leur annuel Biker Day. Toujours impressionné par leur travail d’escorte à moto, j’apprends au détour d’une conversation que l’unité évolue et qu’ils recrutent désormais directement des jeunes civils.
J’ai sauté sur l’occasion pour demander une interview avec leur RSM, le Regimental Sergeant Major de l’unité. Zoom sur le MP Group, l’unité de Police Militaire de la Défense, et la place que notre cher deux roues occupe en son sein.
Par Loïc Mouton
Loïc (MotoActus.be) : Bonjour Ary et félicitations pour l’organisation du dernier Biker Day ! Cette édition nous a semblé particulièrement réussie, et toutes vos places se sont vendues en moins de 24h. Je suppose donc que vous êtes satisfaits de l’engouement que génère l’événement. Peux-tu nous en apprendre un peu plus sur son organisation ? Combien de motards encadraient les groupes, le temps que prend la reconnaissance des parcours ?
Ary, (RSM du MP Group) : Bonjour Loïc, en effet nous sommes très contents de voir que l’événement attire toujours autant de monde. C’est un gros investissement pour nous, en temps de préparation avant l’événement, car j’essaie de changer l’itinéraire chaque année (il n’y a que 5 à 10% de portions communes entre les éditions). Mais aussi et surtout le jour même, car chaque groupe est encadré par une quinzaine de motards, et plus d’une vingtaine de personnes nous aident sur la partie support. Il y a également des photographes pour chaque groupe. Beaucoup de travail donc, mais c’est nécessaire puisque nous tenons à proposer une expérience qualitative.
Loïc : Environ 70 militaires pour encadrer le Rallye donc. Je dois avouer que je suis impressionné car je connais bien le volume plutôt contenu de votre unité. Tu peux peut-être nous expliquer la structure actuelle de celle-ci afin que nos lecteurs puissent réaliser la hauteur de l’investissement ?
Ary : L’unité est constituée de 5 détachements opérationnels situés à Lombardsijde, Bourg-Léopold, Nivelles, Marche-en-Famenne et Peutie, tous sous le commandement de notre chef de corps et son détachement état-major, lui aussi basé à Peutie. Chaque détachement est constitué de 20 à 30 personnes, mais cela varie en fonction du flux d’arrivée et de départ du personnel.
L’unité va probablement devoir pousser les murs et gonfler de manière conséquente dans le futur. L’état-major travaille sur la mise en place de deux compagnies opérationnelles en support à nos brigades motorisée, les 2e et 6e compagnies de MP, situées à Bourg-Léopold et Marche-en-Famenne. Chacune serait composée de plus de 100 MP (Policiers Militaires).
La structure actuelle et nos détachements deviendrait une compagnie dite « territoriale », la 4e compagnie de MP, chargée des missions sur le territoire national.
Loïc : Je vois, vous séparez donc le travail en Belgique et à l’étranger. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ces missions ?
Ary : Pour le moment la charge de travail est répartie dans les différents détachements qui effectuent tous, deux types de missions :
À l’étranger, le policing et support aux autres unités de la défense déployées en mission ou en exercice hors du territoire national. Il s’agit de servir de point de contact avec les autorités locales, d’effectuer des escortes et du guidage pour les forces Belges, et de l’assistance en cas de problèmes juridiques.
En Belgique, nous effectuons des escortes (VIP Militaires, militaires étrangers, convois militaires Belges), mais aussi des missions de parking, de sécurité lors de certaines activités, et toujours du policing au sein de nos casernes et bases.
A l’avenir, il faut s’attendre à ce que la charge de travail soit partagée pendant la phase de mise en place de ce nouveau système de compagnies.
Loïc : Intéressant, merci d’avoir détaillé la différence entre ces missions. Mais je pense que nos lecteurs seront surtout curieux de comprendre quelle place prend la moto dans tout cela. Tu peux m’en dire plus ?
Ary : Nous n’utilisons pas les BMW 1200 et 1250 RT hors du territoire national dans le cadre de nos fonctions, même s’il arrive à certains de nos motards d’aller suivre ou dispenser des cours de conduite à l’étranger. Elles nous accompagnent en revanche de manière intensive dans notre travail en Belgique, en particulier pour les missions d’escorte, mais aussi lors de nos patrouilles. Nous avons entre 60 et 75 motos en service en fonction des périodes de maintenance (la durée de vie moyenne d’une moto au sein du MP Group est de + ou – 100.000km).
Loïc : Presqu’une moto pour deux policiers militaires donc, je trouve que cela illustre bien la place qu’elle prend au sein de votre unité ! Est-ce que chaque Policier Militaire est formé comme motard ?
Ary : La réponse n’est pas simple. Nous aimerions oui, le mindset actuel de l’unité est toujours d’avoir un maximum de MPs formés motards. Mais cela se heurte à plusieurs obstacles :
Depuis quelques années nous recrutons directement au sein du monde civil. C’est quelque chose de positif pour les jeunes qui veulent incorporer nos rangs, puisqu’auparavant il n’était pas possible de rejoindre l’unité sans avoir quelques années d’ancienneté militaire.
C’est valable pour toutes les catégories, volontaire (soldat), sous-officier et officier et nous recrutons évidemment toujours au sein de l’armée via des appels annuels.
Cela signifie cependant que nous avons de plus en plus souvent des jeunes MP qui doivent attendre d’avoir l’âge légal – 24 ans ou 22 ans (si déjà le permis A2 depuis au moins 2 ans) – pour pouvoir passer le permis et devenir motard, puisque nos machines ne peuvent être conduites qu’avec le permis A.
Entre cela et le temps nécessaire à la formation d’un MP et d’un motard, il faut parfois attendre quelques années avant de pouvoir monter sur une moto en escorte.
Loïc : Tu parles de temps de formation, est ce que tu peux détailler ? Combien de temps faut-il pour former un Policier Militaire et un motard ?
Ary : Je vais prendre le cas d’un jeune qui rentre depuis le civil, mais cela dépend tout de même de la catégorie :
Les volontaires doivent faire une instruction de base de quelques mois (PIM = Phase d’Initiation Militaire), et pour les sous-officiers et officiers, des modules cadres supplémentaires (phase cadre, section, et même peloton pour les officiers).
C’est une phase commune qu’ils effectuent avec des candidats militaires d’autres spécialités (infanterie par exemple). Une fois cette instruction commune terminée, le candidat qui vient du civil rejoint alors les candidats qui sont déjà militaires pour débuter le cours de base MP, d’une durée de 3 mois.
S’en suit des formations supplémentaires, un cours sécurité de 3 semaine, et 3 à 4 semaines de cours cadre MP pour les sous-officiers et officiers. Une fois ces formations suivies, le candidat est officiellement Policier Militaire et commence son stage en unité.
Pour la partie motard, le cycle de formation est lui aussi composé de plusieurs phases :
Tout d’abord le permis moto. Le MP peut le passer par lui-même dans le civil, mais il est aussi possible de le passer via l’Académie Nationale de Police lors d’une semaine de cours intensifs.
Une fois son permis en poche, le candidat motard doit passer un stage fonctionnel de deux semaines au cours duquel il apprend à utiliser l’équipement spécifique d’une moto de Police, ainsi que les bases de la conduite prioritaire.
Il passe ensuite par un deuxième stage de préparation au cours escorte, qui dure deux semaines également. Le focus est alors mis sur les techniques de conduite à une main (pour pouvoir conduire et donner des injonctions simultanément), la conduite de nuit et durant des intempéries.
Une fois ces différents stages réussis, le candidat motard accède alors au cours escorte sur véhicule 2 roues, qui dure 4 semaines.
Loïc : Impressionnant ! Et qu’en est-il de ceux qui ne parviennent pas à réussir un de ces stages ou cours ?
Ary : Un militaire breveté MP le restera quoi qu’il arrive ! Le job de motard n’est pas une fonction exclusive, même si certains roulent énormément. Les MP sont d’ailleurs tous amenés à suivre un cours escorte en véhicule 4 roues, puisque nous effectuons également les escortes avec des véhicules permis B.
Nous sommes conscients que conduire une moto en escorte n’est pas du tout la même chose que conduire une moto normalement sur la route, ce n’est pas un exercice facile d’accès. Même si nous mettons tout en œuvre pour amener la personne au niveau requis, l’humain reste humain et c’est un travail dangereux par définition, certains ne veulent ou ne peuvent pas le faire.
Loïc : Je comprends, pour vous avoir vu à l’œuvre lorsque vous nous escortiez pendant le biker day, il semble en effet falloir une certaine aisance pour pouvoir réussir à effectuer ce genre de travail à moto. Cela doit être risqué. Nous étions d’ailleurs surpris de ne pas vous voir équipé d’airbag lors des pauses. Est-ce que tu sais me dire pourquoi vous n’en portez pas alors que cela se démocratise de plus en plus dans le milieu de la moto ?
Ary : C’est une bonne question ! A ma connaissance, il n’est pas encore question d’en faire l’acquisition. Je pense que cela poserait des soucis à cause de la superposition avec nos protections balistiques, mais une solution pourrait venir via la Police Fédérale. Je sais qu’ils étudient la chose.
Loïc : Je vois. Et puisque nous parlons matériel, qu’en est-il de vos motos ? BMW vient de dévoiler sa nouvelle R 1300 RT, qu’en penses-tu ? Y’a-t-il des chances de vous voir à son guidon d’ici peu ?
Ary : Je pense qu’il faudra attendre que BMW produise la version spécifique aux forces de l’ordre, mais lorsque certaines de nos motos actuelles arriveront à un kilométrage trop élevé (elles sont souvent en milieu de vie pour le moment) le remplacement se fera probablement petit à petit. A voir dans quelques années donc.
Petite parenthèse, je suis également motard dans le civil, et concernant la BMW R 1300 RT, jouons franc jeu. Je ne suis pas un pro-BMW, j’ai plutôt l’habitude des autrichiennes noires et oranges à la maison haha. Mais dans le cadre de notre fonction à la Police Militaire, si tu me donnais le même budget et libre choix concernant l’engin à fournir à nos motards, je me vois mal prendre autre chose qu’une RT. C’est l’engin à la fois performant, fiable, endurant et surtout « facile et accessible ». Toute proportion gardée évidement.
Ce dernier facteur est particulièrement important compte tenu de ce que je t’expliquais au sujet de l’accessibilité à la fonction de motard en escorte.
Loïc : Merci pour ton temps et ces explications détaillées Ary. Et au plaisir de te recroiser l’année prochaine le 01Mai 2026 !
Photos : MP Group
