Réglez vos soupapes!
Le jeu aux soupapes, entre mythe et réalité !
Par Michaël Mailien
“Le contrôle du jeu aux soupapes est une opération de maintenance classique et ne donne pas nécessairement lieu à un réglage. En l’absence de symptômes, la plupart de nos clients refuse d’investir 200€ pour un simple contrôle.” Contrairement aux idées reçues, le réglage des soupapes est une opération primordiale pour la bonne santé de votre moteur. Une intervention qui a un prix mais qui se justifie. Explications!

Elle affiche 48.000 au compteur, c’est le moment de procéder à un gros entretien sur cette Versys 1000. Bougies, vidange, filtre à huile et filtre à air. Les liquides de freins et de refroidissement ont été remplacés l’an dernier, il faudra juste en vérifier les niveaux ainsi que l’usure des disques et des plaquettes de frein. Pour le reste ? Rien de particulier. Le kit pignon chaîne est régulièrement entretenu en cours d’année, les pneus sont quasi neufs et la moto ne se plaint d’aucun mal. Une inquiétude persiste cependant. Les soupapes… Kawasaki préconise dans son carnet d’entretien d’en vérifier le jeu à 42.000km. Ce qui n’a pas encore été fait, et pour cause : l’avis des internautes sur différents réseaux sociaux, font état de leurs expériences et conclusions souvent contradictoires allant du pire au meilleur et sans véritable possibilité de se faire une juste opinion. L’avis de professionnels également qui en l’occurrence est souvent le même, « ça ne se fait plus ». Cette logique soutenue par les concessionnaires est principalement financière avec en prime une explication technique que je vais vous décrire en quelques mots
L’aspect technique et financier
Kawa préconise bien « un contrôle » du jeu aux soupapes à 42.000 kilomètres mais pour réaliser cette opération, en plus du démontage déjà nécessaire au gros entretien, pour autant qu’il soit fait en même temps, il y a lieu de pousser le démontage de ce beau 4 cylindres dans un environnement hostile où le manque de place est flagrant. Kawasaki comme tous les constructeurs poussent le « miniaturisme » à l’extrême. Il faut donc retirer une durite et le radiateur du circuit de refroidissement, le cache soupapes et le couvercle de capteur de vilebrequin. En comptant les joints qu’il faudra remplacer au remontage, l’opération peut vite atteindre un coût de 200€ pour peut-être s’entendre dire que le jeu est dans les tolérances et qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un réglage. Mais comme dit le proverbe “mieux vaut prévenir que guérir”
Les raisons d’une telle vérification
Les symptômes pour un réglage de soupapes peuvent se présenter comme suit : une augmentation du jeu, donnant lieu à l’apparition d’un cliquetis bien perceptible à l’oreille et devenant de plus en plus fort. Dans le pire des cas une perte de puissance peut être ressentie. Ce 1er symptôme est assez rare car en réalité, c’est plutôt l’inverse qui se produit, le jeu diminue par un phénomène que l’on appelle « la récession des sièges de soupapes ». Cette usure du siège était très importante sur les anciens moteurs et donnait lieu à des réglages réguliers. Les moteurs modernes sont moins sujets à ce phénomène et l’usure est moins importante bien que toujours présente. C’est elle qui va entraîner une diminution du jeu, et ce, dans le plus grand silence… En effet, en l’absence de jeu trop important, le cliquetis est absent lui aussi. Ainsi, sans contrôle régulier, le jeu aux soupapes continue de diminuer en toute discrétion jusqu’à l’apparition de symptôme pouvant être réellement problématique pour le moteur.
Frileux
La difficulté d’un démarrage à froid est le premier des symptômes et doit attirer toute votre attention. Bientôt, il sera également difficile de démarrer à chaud, et si rien n’est fait rapidement, la vie de votre moteur est en danger. L’usure du siège à fini par faire disparaître complètement le jeu mécanique entre la queue de soupape et la came, aboutissant à une fermeture incomplète de la soupape. Très souvent, ce sont les soupapes d’échappement qui sont en cause. La fermeture aléatoire entrainant une perte d’étanchéité au niveau de la chambre de combustion et donc une perte de pression du mélange air-essence se trouvant à ce moment-là dans le cylindre. Cette perte de pression se solde par une mauvaise combustion d’où une difficulté de démarrage. Dans les cas les plus graves, la combustion du mélange air-essence peut migrer vers l’échappement. Le pire se produit lorsque ce sont les soupapes d’admission qui ne sont plus étanches, les retours de combustion vers les organes d’alimentation en air et carburant pouvant provoquer de graves dommages. Mais rassurez-vous ce dernier cas est extrêmement rare et la plupart du temps, ce sont des symptômes liés aux soupapes d’échappement qui vous pousseront à déposer votre moto au garage.
Que faire ?
Si l’apparition des premiers symptômes de difficulté au démarrage à froid sont sans conséquence pour votre mécanique, il n’en reste pas moins vrai qu’ils apparaitront sans prévenir et qu’une intervention rapide d’un garagiste sera primordiale. Ceci sans compter que généralement, cela arrive au plus mauvais moment, quand on enfourche sa bécane pour partir en roadtrip et que votre garagiste est débordé ou en vacances. Seule solution, fondamentale, la maintenance et ses contrôles périodiques.
Mon expérience
Ma moto affiche donc 48.000 kilomètres au compteur, le gros entretien est en cours et il y a déjà beaucoup de choses de démontées sur la moto, selle, carénages, réservoir, boite à air, … (et même la bulle car je modifie le circuit électrique des phares, mais ça c’est une autre histoire). Le cache soupapes est en vue, Il ne me reste que la durite supérieure droite dans le chemin pour pouvoir l’enlever. Compte tenu de ce qui a été dit ci-avant, je décide de poursuivre le démontage et d’aller vérifier ce jeu afin d’en avoir le cœur net. Je vidange donc le circuit de refroidissement et démonte la durite et le radiateur pour avoir plus de place pour pouvoir travailler. Le cache soupapes est vite enlevé et je découvre le centre névralgique de mon moteur avec ses deux arbres à cames en tête et sa chaîne de distribution. Le tout semble dans un état « neuf », impeccable.
Cales de 0.15 et 0.25
Le couvercle du capteur de vilebrequin est également enlevé et je positionne le vilebrequin tel qu’indiqué dans le manuel d’entretien pour pouvoir vérifier les jeux des différentes soupapes. L’opération se fait en deux temps et la procédure est très bien décrite dans le manuel d’atelier. Le contrôle révèle une usure bien présente car sur 8 soupapes d’admissions 6 sont tout juste à la tolérance basse, 0.15 et deux sont hors côtes, 0.10. Celle-ci devant se situer entre 0.15 et 0.25. Sur les 8 soupapes d’échappement, seules 3 d’entre-elles sont limites tolérance, les 5 autres sont hors côtes. Sans être dramatique ni même réellement pressant, ce contrôle intervient au bon moment. Les 16 soupapes reçoivent une nouvelle pastille et les nouveaux jeux sont piles dans la fourchette de tolérance. Ce fût également l’occasion lors de la dépose des arbres à cames de vérifier l’état des paliers et de s’apercevoir que ceux-ci ne présentent aucune trace d’usure. Ces moteurs Kawa sont décidément très fiables.
Conclusion
La moto est maintenant remontée, sont moteur ronronne comme avant, et moi j’ai l’esprit serein et satisfait d’une maintenance sérieuse de mon plus beau jouet. Je vous donne rendez-vous à 96.000 kilomètres pour un nouveau contrôle du jeu aux soupapes de cette Kawasaki Versys 1000.