Reportage : Pilote WSBK d’un jour
BMW Motorrad a organisé un événement très exclusif sur circuit auquel seulement 20 journalistes dans le monde étaient invités. Et l’une de ces invitations est parvenue à notre rédaction. Au programme, l’essai non seulement des trois modèles M, mais aussi l’Alpha Racing M 1000 RR en version Superstock et Superbike, la World Endurance Superbike du championnat FIM EWC et la seule et unique superbike de l’équipe officielle BMW ROKiT qui participe au WorldSBK. Et puis une bagarre a éclaté à la rédaction…
Texte : Ron Huijs
Sur les traces de Toprak et MVDM
Après avoir pris l’avion pour l’Italie le samedi, je me suis mis en route tôt le dimanche matin, avec le groupe restreint de journalistes invités, en direction du circuit de Crémone. C’est là que se déroulait la manche italienne du WorldSBK et nous étions les invités de l’équipe ROKiT BMW. Après une visite approfondie des stands et de nombreuses explications sur les motos, nous obtenons les laissez-passer nécessaires pour pouvoir déambuler sur la grille de départ de la course Superpole et observer Toprak Razgatlioglu et Michael van der Mark. Après l’épreuve, rencontre avec l’équipe, suivie d’une présentation des motos que nous allons tester le lendemain, puis c’est le retour à l’hôtel pour une nuit sans sommeil. Je suis un peu nerveux à l’idée de piloter ces motos, mais surtout tendus parce que les prévisions météorologiques ne sont pas de bon augure. Les risques de pluie et d’orage augmentent à l’inverse de mon humeur. Quand je regarde dehors le lendemain matin, il y a quelques nuages, mais aussi quelques rayons de soleil. Pour l’instant, tout est sec et les prévisions annoncent de la pluie après midi.
Échauffement sur la M 1000 RR
Je démarre à 9h00 pour une session d’échauffement au guidon de la M 1000 RR, chaussée pour l’occasion de slicks Pirelli. Au troisième tour, Toprak me dépasse. Toute la journée, il roulera avec nous comme son coéquipier Michael van der Mark. Il se tape la main gauche sur les fesses pour me faire signe de le suivre. Il fait deux tours devant moi pour me montrer les trajectoires et les points de corde. Mais il a bien évidement encore de la marge, car après ces deux tours, il disparaît de ma vue à une vitesse sanguinolente sur ce circuit relativement petit. La séance d’échauffement est terminée. Les choses sérieuses peuvent commencer !
Sur l’authentique moto WSBK de Toprak
Quatre véritables motos de compétition sont présentes. Un briefing spécial sur chacune de ses superbes machines est nécessaire, avec les commandes à utiliser et surtout celles qu’on ne doit pas toucher, les différents mappings et j’en passe, l’utilisation du frein à main,… La moto sur laquelle je débute est la moto WSBK numéro un de Toprak. J’avais espéré monter graduellement en puissance en utilisant d’abord l’Alpha Superstock, puis l’Alpha Superbike, la machine EWC et seulement ensuite la moto WSBK, afin d’acquérir une meilleure connaissance de la piste. Dans le stand de Toprak, son équipe semble un peu nerveuse et je reçois quelques explications supplémentaires. On m’explique clairement qu’à part Toprak et le pilote d’essai Markus Reiterberger, personne d’autre n’a encore été autorisé à piloter cette moto. Ils me demandent donc expressément d’y aller doucement. La BM chauffe et pendant ce temps, je transpire dans mon casque. Reiterberger va d’abord « roder » les nouveaux pneus slicks pour moi sur un tour et ensuite ce sera à moi. Toprak vient me donner une tape dans le dos et me crie : « Tu as de la chance, profite-en ! Si tu es en dessous de 1,30, on te signe tout de suite ».
Frein moteur extrême
Ce qui frappe d’abord, c’est la position de conduite adoptée par Toprak. Vous êtes assis pour ainsi dire “dans” la moto, et l’angle des genoux est assez prononcé. Avec 1m82, je suis à peu près de la même taille que le Turc, donc ça devrait le faire. À la fin de la voie des stands, j’ai déjà perdu ma légère nervosité. Dans les premiers virages, la moto est comme sur des rails. La direction est incroyablement stable et la réponse à la poignée d’accélérateur est très directe, mais bien dosée. Puis vient la première zone d’accélération, où le quatre cylindres reprend en douceur et de façon très linéaire. On passe en troisième et on frôle le rupteur au panneau des 150 m, plein pot avant de revenir en seconde; la décélération est énorme. Pas seulement à cause des freins, mais surtout à cause du frein moteur. Je n’ai jamais conduit une machine avec autant de frein moteur.
Jeter l’ancre
Au virage suivant à 180 degrés, mon coude touche déjà le macadam. C’est exactement ce qu’il faut faire ! J’actionne assez tôt la poignée d’accélérateur, j’entends et je sens l’antipatinage intervenir rapidement. L’électronique anticipe rapidement et la conduite n’en est que plus facile. Dans le virage suivant, je choisis le même point de corde que précédemment avec la M 1000 RR, mais c’est trop serré. Cette superbe moto se dirige de manière beaucoup plus directe, plus courte et plus sensible. Ensuite, pour la première fois, je peux vraiment ouvrir les gaz et m’élancer sur la ligne droite. À 200 mètres du virage, j’actionne les freins. C’est comme si je jetais l’ancre, l’avant semblant à peine perturbé.
Une facilité de conduite inattendue
C’est de loin la meilleure moto que j’aie jamais conduite. Ce n’est pas seulement la puissance – strictement secrète, mais censée faire + de 250 ch – qui est impressionnante, mais surtout la douceur des moyens régimes. Combinée au formidable châssis, cette moto est très facile à piloter, ce à quoi je ne m’attendais pas du tout. Le passage des vitesses avec le quickshifter est super rapide et court, et le freinage procure une décélération plus rapide et plus brutale que les freins d’origine. Sans parler du son incroyablement fort et brut, avec des bruits d’explosion, c’est presque effrayant. Pendant trois tours, j’ai l’impression d’être Toprak en personne. Je rentre dans la pitlane et, avec un soulagement visible, je remets la moto à l’équipe. Je n’ai pas le temps de faire un rapide débriefing, car un box plus loin, la moto du CEE m’attend déjà.
Plus brute
La position de conduite sur la machine EWC est beaucoup plus haute et la moto semble beaucoup plus brute que la WSBK-BMW. Une fois de plus, le moteur monte en régime de manière fantastique et linéaire, sans que je ressente de différence notable par rapport à la M 1000 RR de ce matin. La direction est très précise, le freinage très puissant, la sonorité est agréable et, contre toute attente, la moto est facile à piloter, mais elle est nettement plus rigide que celle du WSBK. Les tours passent littéralement vite et une fois de retour dans la pitlane, je peux immédiatement repartir avec la Superbike d’Alpha Racing. Alpha Racing est spécialisé dans la préparation de motos de course BMW et a construit cette superbike spécialement pour cet événement, pour un budget de 149 000 euros. Elle est utilisée dans divers championnats nationaux, Moto America, BSB, Isle of Man, Macau GP,… C’est la moto la plus brillante et la plus bruyante du groupe et la surprise du jour.
Niveau MotoGP
De manière inattendue, c’est la moto qui offre les sensations les plus fortes. Elle est même plus puissante que la BMW de Toprak, qu’ils ont peut-être un peu modifiée par précaution. L’Alpha Racing roule si fort, se dirige si directement et avec tant de sensations que c’est en fait ce que j’attendais de la moto WSBK. Les bruits de l’échappement sont dignes d’une MotoGP. Ce n’est certainement pas une moto à utiliser sur circuit pour un track day, car vous serez expulsé du paddock dès que vous aurez commencé à faire chauffer la bête. Les meilleurs composants sont présents sur cette moto, comme le réservoir en aluminium sans peinture fabriqué à la main – parce que la peinture, c’est du poids supplémentaire -, un carénage entièrement en carbone, un sous-châssis exclusif et un bras oscillant fabriqué à la main, comme sur la BMW de Toprak,…
Une moto qui compte
Encore une fois, trois tours sont passés avant que je m’en rende compte, et il ne reste plus que la moto Alpha Racing Superstock à tester. Avec un budget de 45 900 €, elle est un peu plus accessible que les autres mais n’a rien d’une moto de seconde zone, puisque cette Superstock est fréquemment utilisée dans les championnats IDM italiens, espagnols et allemands. La moto demande un peu plus de conviction au niveau de la direction et se montre plus nerveuse. Elle réagit aussi plus directement au changement de position du corps, ce qui peut être amélioré par des ajustements du châssis.
Un large sourire
Après avoir effectué douze tours sur quatre motos différentes, j’ai été surpris de constater que la moto WSBK est la plus facile à piloter, suivie de l’Alpha Racing Superbike, de l’EWC Superbike et enfin de l’Alpha Racing Superstock. Il va sans dire que seuls des pilotes de la trempe de Toprak et Michael sont capables de tirer le meilleur parti de ces motos. De son côté, BMW a mis les petits plats dans les grands pour que nous nous sentions, le temps d’une journée, des pilotes de la WSBK. Un large sourire restera dans toutes les mémoires, et c’était le seul objectif de BMW aujourd’hui.
Photos: BMW Motorrad