Essai Ducati Streetfighter V4 S
Le Pirelli se met de travers à côté de l’ornière. Avant que je ne m’en rende compte, l’électronique a évité le désastre, j’ai passé le rapport supérieur avec un vent violent qui dois afficher, à mon avis, force 7. L’électronique et les ailerons font de leur mieux pour maintenir la roue avant au sol lorsqu’un triple champion de Superbike me dépasse avec la roue avant à trois quarts de mètre en l’air jusqu’à ce qu’il plonge dans la zone de freinage, 600 mètres plus loin, là où je freine avec les lunettes qui me rentrent dans le nez. Dix secondes sur la Ducati Streetfighter V4 S. Une expérience unique….
Texte : Pieter Ryckaert
Juste avant de partir pour Almeria et le Circuito di Andalucia, Facebook me ramène 15 ans en arrière. À l’époque, je me suis également rendu en Espagne pour la première génération de la Ducati Streetfighter. C’était la version 1099cc L-Twin, basée sur la Ducati 1098 superbike de l’époque. Ducati avait déclaré vouloir élever le segment des roadsters vers de nouveaux sommets technologiques. Ils ont donc enlevé le carénage de la 1098, installé un guidon plus large, un avant plus fin et le tour était joué.
Résultat
Le résultat donnait une 1098 dénudée qui se dirigeait avec moins d’effort, mais qui restait brutale malgré une puissance réduite de 155 ch, un contrôle de traction plutôt primitif, des freins furieusement aiguisés et des ressorts de suspension réglés de manière très rigide, le tout pour un résultat impressionnant, mais assez caractériel. Il en allait de même pour votre compte en banque. Quinze ans plus tard, le concept n’a pas changé. La Streetfighter ici sous le soleil espagnol est toujours dérivée d’une superbike, désormais appelée Panigale V4, dont le carénage a été supprimé et remplacé par un avant plus fin et un guidon plus haut et plus large, comme il sied à un roadster.
Valkyrie
Néanmoins, la technologie a aussi évoluée depuis15 ans. C’est ainsi que la Streetfighter V4 2025 développe 214 ch (6 de plus que le modèle précédent) pour un poids en ordre de marche de 189 kg, sans essence toutefois, soit 4 kg de moins que le modèle sortant. Cela donne un rapport poids/puissance (sans essence) de 1,13 ch par kilo. À titre de comparaison, c’est à peu près les mêmes valeurs que l’Aston Valkyrie, qui coûte 3 millions d’euros. Pour ceux qui trouveraient tout cela un peu juste, il est possible d’ajouter un échappement racing Akrapovic qui permet d’atteindre 226 ch. Mais lisez la suite avant d’appeler Igor…
Flex
Le cadre, ou plutôt la colonne de direction montée sur le moteur, est également nouvelle, de même que le bras oscillant creux, désormais classique. La rigidité latérale des deux a été réduite de 40 et 43% selon les leçons que Ducati a tirées du MotoGP. Cela signifie qu’à des angles d’inclinaison élevés, le cadre « fléchit » davantage, ce qui favorise le retour d’information et l’adhérence. Le ressort arrière a également reçu une nouvelle tringlerie qui devrait apporter plus de confort. Ce faisant, la place pour un passager est optionnelle, puisque la V4 Streetfighter est livrée de série en version monoplace. Les roues forgées, plus légères (-2,17 kg), offrent une direction plus précise grâce à une moindre inertie, tandis que les nouveaux freins Hypure de Brembo devraient tout arrêter à temps.
Troisième génération
Sur la V4 S, Öhlins s’occupe traditionnellement des suspensions, qui dans ce cas sont de troisième génération et contrôlées électroniquement. Celles-ci sont donc en contact avec l’IMU, comme tous les autres composants électroniques avec le système de freinage combiné Race eCBS qui régule automatiquement la pression des freins avant et arrière pour un freinage optimal, l’antipatinage, le contrôle de wheeling, le slide control, le contrôle de démarrage, le quickshifter, le contrôle du frein moteur et le pit limit qui peuvent tous être réglés en deux, cinq ou huit modes. Cela s’ajoute aux modes de conduite désormais familiers (Race, Sport, Road et Wet) qui sont également liés à des modes de puissance élevée, moyenne et faible.
Vladivostok
Je viens de compter rapidement 30 720 combinaisons de réglage en tout, et j’en oublie peut-être beaucoup. Pensez-y : si vous vous arrêtez après chaque kilomètre pour programmer un réglage différent, vous devrez entre-temps vous rendre chez le concessionnaire pour une première vidange (12 000 km) et une première révision du système de distribution Desmo (24 000) et il vous restera encore 6 720 km à parcourir pour tout régler. Cela correspond à plusieurs allers-retours à Vladisvostok. Cela n’a plus aucun sens…
Conditions spéciales
La position de conduite a également changé, avec un guidon placé 10 mm plus près du pilote, mais les yeux fermés, j’aurais pu deviner que j’étais sur une Streetfighter. Le moteur est devenu beaucoup plus silencieux, ce qui est immédiatement perceptible dès que j’entre en piste. Juste avant, on nous annonce que la piste est glissante pour une raison inconnue. Le fait qu’il y a deux jours, il a été organisé ici une spéciale pour un rallye amateur et qu’en plus, un commissaire de piste se soit rendu à son poste avec une Peugeot 205 diesel délabrée me semble être un lien de cause à effet qui ne peut pas être ignoré, mais cela signifie aussi que les slicks Pirelli sortant des couvertures chauffantes ont refroidi après seulement un tour et que l’adhérence se dégrade encore plus.
Fesses bleues
Même à ce rythme d’escargot, l’électronique m’a sauvé au moins six fois en entrant ou en sortant de certains virages. Cela se fait de manière à ne pas me faire sursauter une seule fois, mais me donne néanmoins l’information que je dois faire gaffe. Je suis en mode pluie avec faible puissance et il est frappant de voir à quel point le V4 répond à mes ordres de manière simple, docile et toujours bien dosable. La réponse de la poignée d’accélérateur, le frein avant, le sélecteur, tout semble si… facile. Sur la 1098 originale, rude et agressive, je n’aurais peut-être pas survécu au premier round sans avoir les joues rougies et les fesses bleues.
Grand-mère
Lors de la deuxième session, je continue à rouler doucement et je suis à nouveau frappé par la facilité inhabituelle avec laquelle la V4S se conduit. Il en va de même pour la direction, les freins très contrôlables, les suspensions bien réglées. Je pourrais en quelque sorte lâcher ma grand-mère sur ce véhicule. Pour la troisième séance, on nous informe qu’il suffit de faire attention à la sortie de l’épingle à cheveux, et je décide donc de garder les Pirelli un peu chauds. Je pars le couteau entre les dents, en mode course, puissance au maximum avec presque toute l’électronique sur 1 ou 2.
Boulet de canon
À la première accélération après l’enchaînement droite-gauche à la sortie de la pitlane, j’ouvre la poignée d’accélérateur aussi fort et aussi loin que je l’ose et j’ai droit à une accélération digne d’un boulet de canon. Bien plus rapide que précédemment, j’arrive au virage suivant, où je manque généreusement mon point de freinage. Heureusement, les Brembo Hypures assurent une décélération maximale avec un minimum d’effort, assez pour jeter la Ducati Streetfighter V4 S à droite avec les fesses serrées et, miraculeusement, toujours sur mes deux roues.
À la figure
A l’accélération suivante, c’est exactement la même chose. J’ai l’impression d’être dans une fusée qui va plus vite que je ne le pense, sur une piste dangereuse que je sais encore à peine jauger. Et puis, la ligne droite est encore à venir. Pour la première fois, je pointe le nez contre le tableau de bord et je tourne la poignée à fond. Le sentiment qui s’installe en moi est encore plus angoissant que tous les errances précédentes. J’ai besoin de toute ma concentration pour passer les rapports à temps, garder la poignée d’accélérateur ouverte et surveiller le point de freinage, parce qu’il ne se rapproche pas, il me saute à la figure.
Mode course
Si j’arrive à la fin de la séance sans m’évanouir, c’est uniquement grâce à l’incroyable maniabilité et à l’adhérence des Pirelli, combinées à l’électronique qui fait probablement des heures supplémentaires. C’est avec l’approche d’un cavalier de rodéo que je remonte sur la selle de la Streetfighter et que je repars le couteau entre les dents. J’essaie à peu près partout avec un rapport supérieur, ce qui permet de faire fonctionner le formidable quickshifter.
Contre les éléments
Je serre toujours les fesses d’un virage à l’autre, mais c’est un peu plus facile à gérer. Le moteur aime tout cela, mais avec un peu moins de régime et moins de bruit, ce qui apporte aussi un peu de sérénité à mon esprit. Pour la première fois, je peux me concentrer sur la piste et constater, lors de mon premier tour de piste sur le chronomètre du tableau de bord, que j’arrive au bout de la ligne droite au moins 7 secondes plus vite, alors que je lutte toujours contre les éléments.
Comptable
A la sortie de l’épingle, je sors trop large, je percute les bordures qui sont encore glissantes. La suite est celle que j’ai décrite dans l’introduction, le triple champion allemand de Superbike qui me dépasse s’appelle Martin Bauer. L’homme a l’air d’un comptable, même plutôt d’un garçon comptable, mais sur une moto, l’Autrichien se comporte comme un fou. Il s’avère qu’il roule sans antipatinage sur High Power parce qu’il trouve le moteur parfaitement contrôlable. Vous avez des questions ?
Presque vide
Les deux dernières sessions se déroulent de plus en plus facilement. La confiance dans la Streetfighter augmente au point que je pense avoir la vie éternelle. Ce n’est que lors de la dernière séance que la Streetfighter commence à se cabrer à chaque fois que je sors de l’épingle à cheveux après la ligne droite. Je n’ai pas l’impression que l’antipatinage intervienne. Je ne l’ai pas non plus touché depuis l’après-midi. J’ai l’impression que la moto est en train de manquer d’essence. En même temps, le fait qu’à la fin de cette ligne droite je freine sans effort, me laisse à penser que le réservoir est presque vide ou quelque chose comme ça. D’autant plus que cela ne se manifeste que dans ce seul virage.
Conclusion
Mis à part ce petit accroc, le reste est impeccable. Le moteur est docile, les freins sont facilement dosables, la direction est légère, et je me sens de moins en moins fatigué à chaque séance. Tout est parfait, sauf dans la ligne droite. Là, c’est encore comme si l’enfer se déchaînait. La Ducati Streetfighter V4 S est affichée à partir de 28 490 € (V4 standard 24 990 €). C’est beaucoup d’argent pour une moto, alors que vous préféreriez plutôt une Panigale pour rouler sur circuit ou une Streetfighter V2 pour la voie publique, ne serait-ce que pour éviter de vous faire déchiqueter votre permis de conduire chaque semaine. Mais c’est trop rationnel. La Streetfighter V4 S n’a rien à voir avec la raison. Si vous pouvez l’acheter, vous devez le faire. Et vous obtiendrais en retour une expérience que je qualifierais d’inestimable et que je ne saurais imaginer sur aucune autre moto ….
Données techniques | Ducati Streetfighter V4 S |
MOTEUR | |
Type | Desmosedici Stradale 90° V4 à refroidissement liquide |
Cylindrée | 1.103 cc |
Alésage x course | 81 x 53.5 mm |
Soupapes/cylindre | 4 |
Taux de compression | 14:01 |
Alimentation | injection électronique |
Embrayage | multidisque en bain d’huile à glissement limité |
Boîte de vitesses | à 6 rapports |
Transmission finale | par chaîne |
PRESTATIONS | |
Puissance maximum | 214 ch (157,4 kW) @ 13.500 tr/min |
Couple maximum | 120 Nm @ 11.250 tr/min |
ÉLECTRONIQUE | |
Moteur | contrôle de la traction sensible à l’inclinaison, contrôle du frein moteur, |
Partie-cycle | ABS sensible à l’inclinaison, modes de conduite, modes de puissance, système de freinage combiné |
PARTIE-CYCLE | |
Cadre | en aluminium moteur porteur |
Suspension avant | fourche inversée Öhlins NIX30 (SV) S-EC 3.0 de 43 mm |
Possibilités d’ajustement | entièrement réglable électroniquement |
Suspension arrière | amortisseur Öhlins TTX36 (SV) S-EC 3.0 |
Possibilités d’ajustement | entièrement réglable électroniquement |
Débattement av/ar | 125/130 |
Frein avant | deux disques semi-flottants de 320mm, étriers radiaux Brembo monobloc Hypure à 4 pistons avec Race eCBS |
Frein arrière | un disque de 245 mm, étrier à 2 pistons avec Race eCBS |
Pneumatique av/ar | 120/70ZR17, 200/60ZR17 Pirelli Diablo Rosso IV Corsa |
DIMENSIONS & POIDS | |
Empattement | 1.496 |
Angle de chasse | 24,5° |
Chasse | 99mm |
Hauteur de selle | 845 mm |
Poids | 189 kg (sans carburant) |
Réservoir | 16 litres |
PRIX | |
À partir de | 28.490 € |
Importeur | Ducati Benelux |
Internet | www.ducati.com |