Essai Moto Guzzi V85 TT Travel 2024 : les grandes manœuvres

Après quelques minutes, je suis envahie par un sentiment de béatitude. Comme si rien n’était important, que tout était possible et qu’il n’y avait plus de soucis à se faire. C’est un peu résumé, mais c’est ce que la Moto Guzzi V85 TT me fait vivre. Sur cette moto, je sais déjà que je vais m’amuser le reste de la journée.

Texte : Pieter Ryckaert

“Il ne faut pas plus d’un quart d’heure pour cerner une moto”, a un jour déclaré un ancien collègue à moitié nu au bord d’une piscine, un cocktail à la main, indiquant à ses collègues le chemin pour rejoindre les motos d’essai. Bien qu’à la rédaction, nous ne partagions pas cette façon de travailler, il y a tout de même, un fond de vérité dans cette affirmation. Parfois, il n’est même pas nécessaire de rouler 15 minutes. Après quelques centaines de mètres, je sais déjà que la Moto Guzzi V85 TT va très bien. J’ai déjà passé les quatre premiers rapports, accéléré et freiné, je suis à l’aise et la direction est neutre. Une ligne droite et un rond-point, et l’affaire est dans le sac. Mais au lieu de faire demi-tour vers l’hôtel pour me prélasser au bord de la piscine, je passe la cinquième. Avec cette moto, j’ai un goût de trop peu.

Evolution

Durant la présentation technique, les gars de Mandello parlent d’évolution pour la V85 TT. C’est une bonne chose. C’est l’évolution qui rend les motos meilleures, ce qu’ils semblent parfois oublier au bord du lac de Côme. Nombre de leurs modèles apparaissent soudainement et disparaissent, pour réapparaître plus tard. Comme pour la Stelvio. Mais la V85 TT ne cesse d’évoluer. La plus grande innovation technique de cette moto concerne le VVT, qui modifie le calage des soupapes à partir de 6 500 tr/min. Chez Guzzi, ils déclarent que cette technique est la combinaison idéale entre du couple à bas régime et de la puissance en haut, mais je pense plutôt qu’il s’agit de répondre aux normes d’émissions. Néanmoins, la V85 2024 tire 4 ch de plus de son bicylindre en V transversal (80 ch/7 750 tr/min), malgré les normes Euro5 plus strictes. Un capteur de cliquetis doit permettre d’améliorer la combustion et les émissions, comme une troisième sonde lambda supplémentaire à l’échappement. L’ABS et l’antipatinage sensibles en courbe sont également nouveaux. En parlant d’électronique, il y a aussi quatre modes de conduite, y compris le mode Offroad, du moins pour les versions V85 TT et Travel. La Strada, qui est la version de base, ne semble pas destinée à prendre la poussière. Le pare-brise est doté d’un nouveau système qui permet de le rehausser de 70 mm, mais il faut le faire manuellement et non électriquement, ce qui fonctionne plutôt bien.

Pas un camion

La version d’entrée de gamme V85 Strada n’est pas seulement dépourvue de mode tout-terrain. Sur celle-ci, les roues à rayons sont remplacées par des roues à bâtons plus légères de trois kilos. Tous les modèles, y compris la TT standard et la TT Travel, sont dotés d’un sous-châssis en aluminium plus léger, comme le nouveau boîtier de phare et les disques de frein. Selon Guzzi, toutes ces pièces étant situées assez haut, influencent positivement la direction. Pourtant, les disques de frein se trouvent plus bas, mais les masse en rotation non suspendues pèsent encore plus lourd. Il y a aussi un nouvel amortisseur arrière – réglable – pour améliorer encore la tenue de route. Et cela fonctionne parfaitement, je peux le confirmer après un seul rond-point. Non pas que la génération précédente se conduisait comme un camion, mais son comportement entamait la confiance. D’après mon expérience et sans comparaison directe, la version 2024 est beaucoup plus neutre et semble également plus équilibrée en termes de réglage des suspensions. Même avec la version Touring que je teste et qui est équipée de valises.

Easy Rider

Le moteur semble également fonctionner de manière beaucoup plus fluide. Le VVT, le capteur de cliquetis et les sondes Lambda semblent donc faire leur travail. La transition dans le calage des soupapes après 6 500 tours n’est pas perceptible. Tout cela est très bien. Comme je l’ai déjà dit, je me sens comme chez moi sur cette TT, et il en va de même lorsque nous nous engageons sur l’autoroute. J’ajuste facilement le pare-brise et je roule à travers le paysage désertique du sud de l’Espagne avec un sentiment d’aisance comme j’en ai rarement connu. La protection contre le vent est bonne et le bicylindre en V émet une sonorité agréable sur longue distance. Cela ne me dérangerait pas de la conduire jusqu’en Belgique. Ou éventuellement de faire trois tours d’Espagne. Il y a des motos plus puissantes. Il y a des motos plus confortables, mais il y en a peu qui me procurent autant de sérénité que cette Guzzi.

Surprenante

Comme toute Guzzi, la V85 TT se pilote au couple. La recherche de puissance à haut régime n’a que des conséquences sonores. Sur route sinueuse, vous pouvez la laisser sur le quatrième rapport durant toute une journée. La puissance délivrée en douceur vous permet d’arriver à destination sans encombre. La V85 TT est aussi souple que possible. Elle ne se contente pas de faire le job, elle est surprenante où on ne l’attend pas. Après avoir arpenté les routes côtières parfaitement sinueuses, nous retournons en fin d’après-midi vers l’hôtel. Le guide met du cœur à l’ouvrage mais nous arrivons à le suivre docilement.

Espiègle

A un rythme que l’on pourrait qualifier de “plutôt soutenu”, nous filons de virage en virage et la V85 TT s’acquitte de sa tâche avec détermination. Pas une seule fois le châssis ne signale qu’il en a assez. Les freins sont bien sollicités, mais ils restent fermes, sans faiblir ni montrer des signes d’abandon. La V85 TT n’aime pas vraiment les changements de vitesses rapides et précipités, mais tant que vous décomposez bien le mouvement, elle ne rouspètera pas. Nous sommes étonnés par ses qualités sportives, que nous n’avions jamais expérimentées sur la génération précédente, parce que la confiance n’y était pas. Avec tout cela, le sentiment Easy Rider a disparu, mais le sourire n’en est que plus large.

Conclusion

Lorsque nous descendons de moto, je suis incroyablement surpris. Alors que la V 85 TT m’avait d’abord procuré une sorte de sentiment de détente totale, il s’avère qu’il y a du feu dans ses entrailles quand on cherche bien. Ou quand il le faut. Tous les défauts de la génération précédente ont été éliminés ou corrigés, ce qui donne une très bonne moto. Le terme habituel ” pour une Guzzi ” peut être ici complètement oublié …